Le printemps 2022 restera dans les annales comme une saison d’effervescence sportive sans précédent. Après deux longues années de privations, une vague de joie résonne de nouveau dans les gymnases du Québec. Victoire ou défaite, chacun exulte d’y prendre part ; de jouer.

Face à une telle ébullition, d’aucuns pourraient conclure que le sport s’est remis en selle. Certes, l’enthousiaste reprise s’avère encourageante. Toutefois, ce sursaut de vie est le fruit des efforts d’un milieu qui, malgré l’épuisement, les pénuries et le sous-financement chronique, s’est relevé les manches avec brio.

Ne nous leurrons pas. La levée annoncée des restrictions ne réglera pas tous les maux du sport. À l’instar de la santé, de l’éducation, de l’économie et de la culture, les dommages infligés par la COVID-19 s’y révèlent profonds. Partout, le même mot d’ordre retentira : rattrapage.

Le dernier budget caquiste a dévoilé en grande pompe des investissements de 250 millions sur cinq ans consacrés au sport. Quoique bienvenu, cet argent ne résoudra pas tout. D’ailleurs, les appels à un changement de paradigme se sont récemment multipliés. Au-delà de la culture malsaine, des abus et de l’obsession des médailles, c’est la professionnalisation à outrance qui est en cause.

S’il est une chose que la pandémie a mise en lumière, c’est bien l’effet positif notoire du sport. Il apparaît désormais évident que celui-ci constitue un outil de santé publique sans pareil, un incubateur de cohésion sociale et un puissant motivateur scolaire. Or, tandis que l’élite a maintenu ses acquis, le volet amateur a quant à lui reculé radicalement.

Pour preuve, la sédentarité a explosé. Le décrochage sportif s’est également amplifié, surtout chez les filles, comme l’a démontré l’organisme Femmes et sport au Canada.

Pour toutes ces raisons, le Québec gagnerait à émuler une nation comme la Norvège, qui concentre ses efforts à la base de la pyramide et accomplit des miracles grâce à une approche participative. Une telle avenue permettrait de s’attaquer efficacement aux problèmes de taille que sont l’illettrisme moteur, la sédentarité et l’absence d’une pérennité sportive qui s’étendrait au-delà de la fameuse « retraite » évoquée par Patrick Lagacé dans sa touchante chronique. Il s’agit donc ultimement de développer une culture qui encourage l’amour du sport pour tous, et ce, en multipliant les catégories, en promouvant les sports inclusifs et en bonifiant l’offre pour les adultes.

La démocratisation fulgurante du savoir qui s’est opérée durant la Révolution tranquille devrait inspirer le monde du sport dans cette métamorphose.

En principe, chaque élève devrait quitter l’école avec des compétences psychomotrices de base lui permettant de poursuivre son épanouissement. Certes, le Québec a encore du chemin à parcourir afin de nourrir l’amour de la lecture, mais force est de constater que son taux d’analphabètes s’est réduit comme peau de chagrin. En revanche, nous tolérons que maints élèves tracent une croix très tôt sur les aptitudes motrices, avec les conséquences que l’on connaît.

Idéalement, l’éducation nationale devrait permettre à chaque enfant d’évoluer en tout, dans ce que Vygotsky appelle la zone proximale de développement ; cette zone située juste au-dessus de nos compétences, qui favorise l’apprentissage en sortant du confort. L’approche élitiste du sport pousse bon nombre de jeunes à l’abandon, car tout leur paraît trop difficile. À l’inverse, l’école s’est si bien démocratisée que plusieurs élèves s’y avouent sous-stimulés et s’ennuient. Impossible de terminer ce plaidoyer pour l’amateurisme sans lancer quelques fleurs au milieu sportif, dernier bastion d’une culture de l’effort et du dépassement de soi. À n’en pas douter, ces deux mondes gagneraient à s’influencer pour que le premier forme davantage de sportifs ordinaires, et le second, plus de champions scolaires.

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