On parle beaucoup de la bataille à venir entre Pierre Poilievre et Jean Charest, duel opposant deux débatteurs de talent. Pour de nombreux membres du parti, ces deux candidats sont polarisants : on les adore ou on ne peut les souffrir.

La théorie des vases communicants joue un rôle déterminant dans une élection à plusieurs tours à vote préférentiel. Chacun recrute le plus de membres possible pour soutenir sa candidature, mais le deuxième choix est décisif pour le candidat en bout de course. Le travail de l’un peut aider à la victoire de l’autre. Il faut donc ménager les membres déçus qui pourraient vous apporter leur soutien. C’est la raison pour laquelle plusieurs analystes estiment qu’il faut plusieurs candidats de mouvance progressiste pour assurer à Jean Charest un chemin vers la victoire.

On estime que l’équipe Charest doit recruter 100 000 nouveaux membres pour avoir une chance de l’emporter contre Pierre Poilievre, qui a la faveur des membres actuels.

Brian Lilley du Sun évoque le chiffre de 1000 membres par jour pour y arriver. Ce n’est pas rien ! Avec deux équipes, on se partage le travail. Chacun mobilise son réseau, recrutant en fonction de ses affinités politiques.

L’arrivée dans la course du maire de Brampton, Patrick Brown, ancien député fédéral et ex-chef du Parti progressiste de l’Ontario, pourrait changer la donne. On comprend pourquoi Althia Raj, journaliste au Toronto Star, évoque un possible accord tacite entre les deux clans, une sorte de pacte de non-agression.

PHOTO CARLOS OSORIO, REUTERS

Patrick Brown, maire de Brampton et candidat à la chefferie du Parti conservateur du Canada

Une question pourtant demeure : et si Patrick Brown faisait un meilleur score que Jean Charest ? Est-ce possible alors que les soutiens de Brown soient surtout en Ontario ? Ce ne serait pas la première fois que le leader présumé se fait damer le pion en politique. Le talent d’organisateur de Patrick Brown sur le terrain ne fait aucun doute. Il a déjà fait ses preuves en battant Christine Elliott à la chefferie du Parti progressiste de l’Ontario en 2015. Contre toute attente, il avait pu rallier 41 000 membres.

En termes de présence dans les médias sociaux, Brown a une longueur d’avance sur Charest. C’est un indicateur important, car les membres se tournent plutôt vers les médias sociaux que vers les médias traditionnels.

À sa décharge, Charest est resté à l’écart de la vie politique depuis son départ en 2012, raison pour laquelle il s’affirme tardivement sur l’internet. Patrick Brown bénéficie d’un réseau prêt à l’emploi en Ontario et d’une équipe aguerrie héritée d’une élection précédente. Il vient de recevoir l’appui de Michelle Rempel Garner, une élue respectée jouissant, elle aussi, d’une forte présence sur les réseaux sociaux.

L’élue de l’Alberta peut l’aider dans les provinces de l’Ouest qui, sans elle, demeureraient pour une large part hors de portée. Brown dispose désormais d’un réseau national qui peut lui faire gagner des appuis au-delà du grand Toronto, de Calgary à Vancouver où il bénéficie aussi du soutien de plusieurs communautés dont le rayonnement dépasse ses circonscriptions d’origine. Sa position contre la loi 21, plus engagée que celle de Poilievre qui a fait le choix de ménager le Québec, peut être payante. Charest devra donc obtenir un fort soutien au Québec et dans les provinces de l’Atlantique pour être en tête.

Un dernier venu

Il y a un dernier venu dans la course. Scott Aitchison n’a certes pas la notoriété de Charest ou de Brown, et certains doutent même qu’il réussisse à se qualifier. Lors de la dernière course à la chefferie, la députée Marilyn Gladu n’avait pu réunir les fonds nécessaires à sa candidature. Il reste qu’Aitchison est apprécié du caucus et se positionne comme un candidat de compromis. Quel que soit son score s’il venait à se qualifier, vraisemblablement entre 1 % et 3 %, ce sont des votes qui n’iraient ni à Charest ni à Brown au premier tour.

À qui iraient les votes des partisans d’Aitchison ? Cela ne sera pas déterminant pour le grand duel contre Poilievre, mais cela peut faire la différence si la course entre Charest et Brown venait à être serrée. Même calcul pour d’éventuels candidats progressistes qui s’ajouteraient à la liste.

Avant de trop parler du grand face-à-face entre Pierre Poilievre et Jean Charest, encore faut-il que ce dernier mobilise plus de soutiens que son concurrent progressiste. Même si les deux candidats évitent les attaques frontales, les deux équipes ont tout intérêt à ne pas se sous-estimer.

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