Dix-neuf jours après l’agression de Vladimir Poutine contre l’Ukraine, certaines choses commencent à être plus claires même s’il est encore impossible de prédire l’issue exacte du conflit.

L’une de ces choses est que la Chine a malheureusement des chances de se révéler « gagnante » de cette tragédie poignante, elle qui a trouvé le moyen d’envoyer de l’aide humanitaire à l’Ukraine sans condamner l’invasion de cette dernière par une Russie clairement une alliée de plus en plus dépendante d’elle.

La Chine intermédiaire ?

Cela permettra peut-être aux Chinois de jouer aux médiateurs dans cette affaire exclusivement occidentale au départ, alors que l’avenir de l’humanité se jouera vraisemblablement en Asie, face à une Europe, incluant la Russie, et une Amérique en déclin. En dépit de son caractère éminemment tragique, le drame ukrainien n’aura peut-être été en définitive qu’une répétition de ce qui s’annonce ailleurs.

La Chine est réticente à cautionner le non-respect de la souveraineté ukrainienne, appui qui pourrait se retourner contre elle en raison de son traitement inhumain des Tibétains et des Ouïghours.

Mais on ne peut exclure que Xi Jinping se félicite secrètement d’une mise au pas éventuelle de l’Ukraine par la Russie. Comment pourrait-il ne pas faire l’analogie entre l’Ukraine et Taiwan ?

N’oublions pas que ces dirigeants n’ont aucun état d’âme, contrairement à nous-mêmes qui en ont avons trop, comme ceux qui en appellent de plus en plus à l’intervention de l’Occident en Ukraine pour soulager leur trop-plein d’émotion, quitte à déclencher une troisième guerre mondiale.

Nous découvrons ce que nous aurions dû savoir depuis l’abominable mise au pas de la Tchétchénie par Poutine il y a 20 ans. Le président russe est un tueur, pensait l’an dernier un Joe Biden dont la seule erreur avait été de le dire ouvertement. Il a raison maintenant de juger qu’il faut éviter à tout prix une confrontation entre l’OTAN et la Russie susceptible de déclencher l’apocalypse, tout en faisant encore l’erreur de révéler ce qu’il pense à un Poutine dont personne ne sait ce qu’il a, lui, dans la tête finalement.

Incroyable Zelensky

La surprise, c’est évidemment ce valeureux peuple ukrainien que l’on découvre, de même que son incroyable président. Volodymyr Zelensky s’est avéré non seulement capable d’incarner l’énergie nationale de son pays une fois de plus martyrisé par la nation sœur russe, mais le président ukrainien se révèle réaliste à l’égard d’un pays que ce russophone connaît mieux que les Occidentaux.

Il renonce à demander que l’Ukraine entre dans l’OTAN et admet que le statut de l’est du pays dépendra de ce que voudront ses populations. Cela rend davantage envisageable la fin de cette guerre, quand Poutine estimera avoir assez gagné pour mettre fin à son escalade de la violence, si Poutine est encore suffisamment en contact avec la réalité.

Zelensky semble avoir compris les limites d’un appui occidental consistant en grande partie en de très sévères sanctions contre l’agresseur russe, dont l’histoire enseigne qu’il serait étonnant qu’elles décident de l’issue du conflit. Cela pourrait même provoquer le ralliement autour du tsar du moment d’une nation notoirement résiliente, qui avait préféré brûler Moscou il y a 200 ans plutôt que de se soumettre à Napoléon.

Si l’OTAN comme organisation défensive des 30 pays qui la composent reste solide comme le roc, on peut malheureusement avoir des doutes sur ce renforcement de l’Union européenne dont tout le monde parle ces temps-ci. Car force est de constater que les démocraties occidentales sont beaucoup dans l’émotion, chose rarement porteuse de quelque chose de solide à terme en politique internationale.

Information 24 heures sur 24

Les Occidentaux, tout particulièrement les Européens, en sont réduits à l’émotion parce qu’ils sont condamnés à n’être que des spectateurs, bombardés d’informations, de l’agression non provoquée d’une nation démocratique à leurs portes, historiquement liée à la Russie. Or, trop d’information, c’est bien connu, c’est comme pas assez d’information : cela rend impuissant.

Il y a un parallèle à faire ici entre la Russie, où la désinformation est totale relativement à la guerre en Ukraine, et un Occident hypermédiatisé vivant le conflit 24 heures sur 24, sans aucun recul. La souffrance solidaire à laquelle cela nous condamne nous fait oublier que les centaines de milliers de morts au Yémen, en Éthiopie ou au Soudan ne nous empêchaient pas, hier encore, de dormir.

Après deux ans où la COVID-19 a pris toute la place, l’omniprésence de la guerre en Ukraine dans nos médias mine encore plus le moral de tout le monde, ce qui n’est utile à personne, y compris aux Ukrainiens eux-mêmes.

Et le Canada là-dedans ? La triste réalité est qu’au-delà des postures moralisatrices débitées mécaniquement par Justin Trudeau, au-delà de la solidarité avec la communauté ukrainienne, le Canada, qui ne parle plus qu’aux pays avec lesquels il est d’accord, n’a plus de politique étrangère crédible.

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