Le 22 mars, le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, livrera son dernier discours sur le budget avant les élections d’octobre prochain.

Si les deux dernières années de crise ont souligné à grand trait le caractère indispensable de nos services publics, elles ont également mis en lumière l’impact désastreux de décennies de compressions et d’austérité. La pression exercée sur nos services publics est devenue intenable, comme en témoigne par exemple la pénurie de main-d’œuvre dans les secteurs de la santé et des services sociaux, de l’éducation et des services de garde.

Œuvrer dans ces secteurs n’est plus attrayant, du fait des conditions de travail démotivantes, voire décourageantes, qui y règnent.

Par ailleurs, la pauvreté s’accentue pour de nombreux ménages qui ont de plus en plus de mal à se loger et doivent recourir aux banques alimentaires. Les bénéficiaires de l’aide sociale sont aussi poussés dans une précarité extrême. Au moment où les conséquences des inégalités sociales se font durement sentir dans nos communautés, nos programmes sociaux aussi ont plus que jamais besoin d’être renforcés. Et que dire du sous-financement chronique, notamment en environnement, qui affecte notre capacité d’amorcer la transition écologique nécessaire ?

Taxer le patrimoine des plus riches

Dans ce contexte, il nous semble incontournable de demander aux plus riches, aux banques et aux grandes entreprises de contribuer davantage par une révision de notre fiscalité. Parmi les mesures envisagées, il y a la mise en œuvre d’une taxe sur la richesse. Cette idée avancée par bon nombre de multimillionnaires, notamment ceux regroupés au sein des Millionnaires Against Pitchforks, qui avouent profiter de l’environnement fiscal pour s’enrichir au détriment de la stabilité sociale, fait actuellement l’objet de réflexion dans plusieurs États. Nous proposons que cette taxe prenne la forme d’un impôt sur le patrimoine du 1 % le plus riche dans notre société. Selon les calculs réalisés par la Coalition Main rouge, une telle taxe pourrait rapporter chaque année plus de 4 milliards de dollars en revenus additionnels pour l’État québécois. Imaginez les services dont la population pourrait bénéficier avec l’apport d’une telle somme pour le bien collectif.

Il faut rappeler qu’au cours de la pandémie, la richesse du 1 % a significativement augmenté. Par exemple, selon Oxfam, la fortune des 10 hommes les plus riches du monde a doublé dans les six premiers mois de la pandémie alors que pour nous tous, elle a plutôt stagné, sinon diminué. L’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable en arrive à des conclusions tout aussi préoccupantes au Canada. Face à cet enrichissement hors normes, l’impôt sur le revenu marque ses limites parce que la valeur des biens des plus riches, l’immobilier par exemple, s’accroît sans qu’il soit nécessaire de le déclarer.

Les revenus générés par cette taxe pourraient permettre de mieux financer les services à la population et ainsi contribuer à réduire les inégalités sociales.

Nous invitons par la même occasion le ministre des Finances à considérer les autres mesures fiscales préconisées par la Coalition, lesquelles permettraient de générer près de 10 milliards de dollars. Par exemple, le gouvernement pourrait augmenter le nombre de paliers d’impôt sur le revenu ou rétablir un meilleur équilibre entre la fiscalité des particuliers et des entreprises.

Il est grand temps que le gouvernement de François Legault travaille véritablement pour la majorité des Québécoises et Québécois qu’il prétend représenter plutôt que de perpétuer un système fiscal qui n’enrichit qu’une infirme partie d’une élite choyée. En ce sens, le budget du 22 mars représente une occasion en or de corriger les injustices actuelles.

* Benoît Lacoursière est secrétaire général et trésorier de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN) ; Véronique Laflamme est porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

** La Coalition Main rouge regroupe des organisations syndicales, féministes, communautaires et populaires depuis l’automne 2009 pour revendiquer l’accès à des services publics universels et de qualité.

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