CDPQ Infra a dévoilé la semaine dernière de nouvelles esquisses témoignant de l’avancement substantiel des travaux architecturaux réalisés depuis l’annonce du projet du REM de l’Est, il y a plus d’un an.

Or, sous les rendus visuels léchés, plusieurs zones d’ombre subsistent par rapport à la vision globale, et beaucoup de questions formulées, principalement celles qui relèvent du gouvernement du Québec, sont toujours sans réponse.

La structure est affinée, le réseau routier est revu avec le retrait de quatre voies sur René-Lévesque et d’une voie sur Sherbrooke, le déploiement de voies cyclables inscrit le projet dans une vision plus intégrée de mobilité, le traitement des fils est amélioré, la gestion du bruit et des vibrations est mieux considérée.

Dans l’univers des trains en implantation aérienne, et surtout en regard des bévues architecturales du REM de l’Ouest, CDPQ Infra chemine dans la bonne direction. Cependant, nous restons sceptiques sur le choix du mode et l’adéquation entre les besoins et les investissements.

En 2020, lors de l’annonce initiale, le projet était évalué à 10 milliards de dollars. Alors que l’inflation a déjà fait prendre 500 millions au projet, que Montréal a promis d’ajouter 500 millions supplémentaires, que le premier ministre a déclaré une ouverture à injecter de l’argent au projet et que les demandes d’enfouir la structure sur de plus grandes parties du trajet sont toujours sur la table, on peut se questionner sur l’ampleur actuelle des coûts du projet.

Si, initialement, le gouvernement jugeait que le prix de la rapidité supérieure du REM en valait la chandelle à 10 milliards pour 37 km, à partir de quand ferions-nous mieux de nous tourner vers des solutions moins coûteuses ?

Le gouvernement doit dévoiler son analyse coût-bénéfice, car au prix du SRB Pie-IX, ce sont environ 200 km de service rapide par bus (SRB) qui peuvent être construits avec 10 milliards de dollars et, entre les deux, des technologies de tram-train sont aussi envisageables.

Le Plan stratégique de développement du transport collectif de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) chiffrait l’an dernier les besoins d’investissement en immobilisation entre 44,7 et 56,6 milliards de dollars d’ici 2035 pour atteindre les cibles de mobilité durable du Grand Montréal. Est-ce bien raisonnable de consacrer environ 20 % de cette somme au seul REM de l’Est ?

Si certains se sont inquiétés que le REM ne vole des passagers aux lignes existantes et parlent de cannibalisation, nous sommes davantage préoccupés par un manque de ressources pour couvrir l’augmentation nécessaire de la capacité de nos réseaux, dans une perspective d’un virage rapide pour l’atteinte de nos engagements climatiques.

Au chapitre des retombées, la présentation de la CDPQ parle maintenant de « près de 8000 automobilistes de moins ». L’ARTM ayant calculé qu’il faut retirer ou éviter 210 000 transports automobiles par jour d’ici 2035, comment la stratégie du gouvernement nous mènera-t-elle à bon port ?

Savoir dans quelle vision cohérente des transports collectifs, de la réduction des émissions de GES du Québec et du développement de l’Est s’inscrit le REM est une nécessité absolue. Le gouvernement doit faire connaître sa vision détaillée.

Avec un dossier si controversé, sans données aujourd’hui suffisantes pour nous convaincre et nous permettre d’expliquer que les choix qui sont faits sont cohérents, nous sommes de plus en plus inquiets de nous diriger vers une consultation du Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE) ce printemps.

Dans ces conditions, nous craignons que le débat en soit un déchirant, constitué pour l’essentiel de professions de foi et de coups de gueule partisans. Pour l’avenir de l’Est et de Montréal, donnons-nous quelques mois de plus afin de réunir les éléments nécessaires pour avoir une vraie conversation, documentée et transparente.

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