Le projet d’un tunnel autoroutier sous-fluvial reliant les centres-villes de Québec et de Lévis suscite, depuis son dévoilement en mai dernier, une controverse qui oppose une vision politique à celle de la science et de la raison.

Cette infrastructure serait le maillon manquant pour réunir les réseaux autoroutiers des rives nord et sud tout en poursuivant l’objectif d’améliorer la fluidité de la circulation entre Québec et Lévis, fait valoir le gouvernement. Mais est-ce la bonne option ?

Ce tunnel serait le plus gros (un tube de 19,4 m de diamètre comprenant deux niveaux, avec trois voies dans chaque direction, dont une réservée au transport collectif), le plus long (8,3 km) et le plus coûteux (10 milliards de dollars) au monde.

L’opposition à ce projet repose sur sept principaux arguments : 1) usage de l’auto solo stimulée ; 2) amplification de l’étalement urbain ; 3) destruction de bonnes terres agricoles ; 4) intensification du trafic routier dans les quartiers centraux de Québec ; 5) projet démesuré par rapport au besoin ; 6) gigantisme de l’investissement public ; 7) de nouvelles autoroutes sont un appel à plus de voitures, donc à de nouvelles congestions à moyen et long termes.

Concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES), l’électrification des autos que l’on présume très avancée pour la prochaine décennie réduira leur volume, mais ne s’accompagnera pas d’une diminution du nombre de voitures, surtout si on facilite leur utilisation par un tel projet.

Contre toute rationalité, le gouvernement caquiste s’acharne à défendre l’idée de ce tunnel. Toutefois, face à l’ampleur des coûts estimés et aux risques qu’ils explosent en raison de l’inflation et de la surchauffe liée à la pénurie de main-d’œuvre et des matières premières, le premier ministre François Legault a annoncé le 11 février dernier que son gouvernement présenterait dès ce printemps une version « ajustée » de son projet, qui coûterait moins cher et qui prendrait moins de temps à construire.

Le ministre des Transports, François Bonnardel, travaille sur « différents scénarios » qui pourraient différer du projet dévoilé en mai 2021. « Est-ce qu’au total, on a besoin de deux voies ? Quatre voies ? Six voies ? C’est ça qu’on est en train de regarder », a ajouté le premier ministre.

Parmi les scénarios à l’étude, le service de traverse Québec-Lévis, en complément du tunnel sous-fluvial, serait aussi sous la loupe, à la suite de nouvelles données du Bureau de projet du troisième lien : les deux traversiers existants pourraient être réservés aux piétons et aux cyclistes seulement, les véhicules motorisés étant exclus (le tunnel leur offrant des voies royales).

Deuxième service de traverse et un train de banlieue

Osons pousser plus loin la réflexion. Abandon du tunnel autoroutier et scénario fondé sur la combinaison des deux éléments suivants : l’amélioration du service de traversiers Québec-Lévis et l’instauration d’un train de banlieue entre la gare de Charny, sur la rive sud, et la gare du Palais, à Québec.

Stockholm, la capitale de la Suède, est, comme Québec, une ville nordique. Elle s’est développée sur un archipel de la mer Baltique comprenant 14 îles. Pour assurer le transport de la population et des marchandises, plus de 50 ponts ont été érigés au fil des ans ainsi qu’un réseau très performant de traversiers. Ceux-ci constituent l’un des moyens de transport les plus utilisés par la population pour se déplacer à travers l’archipel.

À Québec, il n’y a que deux rives à relier. Pour accroître la capacité de la traverse ne pourrait-on pas doubler le nombre de traversiers, un nouveau service étant offert en amont ou en aval des installations actuelles ? Le service existant, qui dessert notamment le Vieux-Québec et le quartier ancien de Lévis, serait limité aux piétons et aux cyclistes alors que le nouveau service pourrait accueillir piétons et cyclistes ainsi qu’un nombre limité de voitures et de camions de livraison.

Comme deuxième et principale composante de ce scénario : le service d’un train de banlieue entre Québec et Lévis empruntant la voie ferrée du pont de Québec et interconnecté avec le tramway et les lignes d’autobus sur la rive nord et le réseau de transport collectif sur la rive sud. Cette option d’un train de banlieue a déjà été évoquée au cours des dernières années, mais elle n’a jamais fait l’objet d’études approfondies.

Un service de train aux heures de pointe allègerait grandement le trafic des voitures sur le pont Pierre-Laporte. Certes, il faudrait prévoir une compatibilité avec le transport de marchandises et le transport de passagers de VIA Rail qui empruntent cette voie, mais ce n’est pas là une difficulté insurmontable entre gens de bonne volonté.

Des économies substantielles

Quel niveau d’investissement serait requis pour deux nouveaux traversiers, les unités d’un train de banlieue, les infrastructures et les équipements nécessaires à leur bon fonctionnement ? Quant à la vétusté du pont, quelle somme sera nécessaire pour le revamper et prolonger sa durée vie de 80 ou 100 ans ?

Pour rappel, la construction du nouveau pont Samuel-De Champlain à Montréal a coûté 4,239 milliards de dollars. On peut penser que les coûts de ce scénario seraient d’un niveau nettement inférieur à celui lié à la construction d’un tunnel sous-fluvial. Les économies ainsi réalisées pourraient être affectées à la « refondation » du système de santé et à la mise sur pied d’un service de soins à domicile, qui devraient être les grandes priorités du prochain gouvernement.

Et le gros avantage de ce scénario à deux volets repose sur la prédominance du transport collectif qui en est la principale caractéristique.

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