J’ai eu l’occasion de faire un échange Ontario-Russie en 1997 avec Jeunesse Canada Monde. J’y ai connu des amis russes de la région de Kaliningrad. J’ai vécu trois mois dans la maison d’une famille d’accueil dite de « New Russians », dont le père était un entrepreneur qui a su profiter du changement de régime lors de la Perestroïka. Aujourd’hui, il est à la tête d’un média de premier ordre de la région de Kaliningrad.

Je m’y suis fait des amis. Une amoureuse même. Et, bizarrement, dans notre dynamique de groupe entre Canadiens et Russes, lorsqu’une divergence de vision émergeait entre les deux clans, les Québécois penchaient toujours plus vers la vision des Russes. Culturellement, les Québécois sont plus proches des Russes que des Anglo-saxons, selon mon expérience.

À la suite de ce voyage, quelques années plus tard, je me suis créé un compte sur VK.com, le Facebook russe. J’y ai retrouvé quelques amis. Je leur ai même souhaité la bonne année, le 31 au soir…

Par curiosité, je suis retourné dernièrement sur mon profil VK. J’ai découvert sur mon fil de nouvelles des publications à me glacer le sang. J’y ai découvert toute l’ampleur de la propagande russe.

À quel point, surtout, les gens là-bas n’ont aucun accès à des nouvelles dites « externes » à la vision prorusse.

Pendant que je vois, du côté canadien, une réalité en Ukraine rapportée par Tamara Alteresco, Marie Ève Bédard et Alexandra Szacka, je tombe sur les « nouvelles » lancées par LIFE.ru ou ВЕСТИ.ru où, dans ce dernier cas, on y voit le « journaliste » Nikolai Dolgatchov couvrant les soi-disant ravages causés par les « Ukronazi ». Des Ukronazi… ça ne s’invente pas, quand même.

Ce journaliste Nikolaï Dolgatchov arbore par ailleurs le fameux « Z » russe sur son profil personnel sur VK. Un geste qui évoque le manque de neutralité médiatique et journalistique.

Consultez la page VK de Nikolaï Dolgatchov

Ce fameux « Z », qui se voulait d’abord représenter l’intention russe d’aider les Ukrainiens et d’identifier les « bons » des mauvais chars d’assaut, a vite été tourné au ridicule par certains Russes qui « osent » avoir un discours discordant de celui prescrit par Poutine. D’autres, au cerveau plus lavé, présentent le même symbole avec des fleurs blanches représentant la « paix ». Vous savez, cette opération qui se voulait « pacificatrice » de l’Ukraine ?

Pendant que j’argumentais avec des Russes en commentaire d’une (fausse) nouvelle publiée par LIFE.ru sur VK, le modérateur de ce compte a fermé les commentaires et supprimé ma conversation avec un Russe. Une conversation où je lui refilais de l’information provenant de Radio-Canada Information. J’ai fait la même chose sur une autre – fausse – nouvelle de ВЕСТИ qui n’a toujours pas supprimé mes commentaires.

Je m’attends à ce que mon compte sur VK soit fermé à un moment donné, puisque plusieurs doivent me « dénoncer » aux autorités du site. En passant, VK est passé (de force) en 2014 des mains de Pavel Dourov, son fondateur, à des gens d’affaires russes près du pouvoir. Un putsch, tout simplement. Parce que Pavel ne voulait pas collaborer avec les services de renseignements russes.

Chose certaine, c’est que parmi les réponses très cinglantes et violentes que je reçois de la part de certains Russes face à mes commentaires, il y a (heureusement) aussi des gens qui les « likent ». Quelques-uns, rares, vont même jusqu’à répondre par l’affirmative à ce que j’avance. Certains « memes » de « Z » remixés en croix gammées ont commencé à circuler pour dénoncer la situation.

Quant à mes détracteurs, ceux qui répondent sur les commentaires que je suis un « menteur », je leur transmets des réponses comme celle-ci, présentant des faits rapportés par nos journalistes de Radio-Canada :

Consultez le témoignage de Sergueï Buntman, rédacteur en chef adjoint de la radio indépendante Écho de Moscou, censurée par le Kremlin

Bref, chaque soir avant de me coucher, je me bats personnellement au front de la désinformation russe, armé de mon argumentation, de ma plume, d’un engin de traduction et des « topos » que nos journalistes produisent. Ces articles et vidéos ne sont malheureusement pas traduits en russe. Et à mon humble avis, c’est quelque chose que Radio-Canada devrait considérer sérieusement, pour qu’une autre version de la même réalité franchisse « le rideau de fer de la pensée » que Vladimir Poutine a lentement, mais sûrement, érigé sur une période de 22 ans.

Heureusement, il y en a qui sont plus lucides et courageux, qui ont des commentaires plus nuancés sur les réseaux sociaux, comme cette Inna Semionova, que je cite : « Combien y en a-t-il qui sont partis à la guerre dans l’espoir de payer leur putain d’hypothèque ? Et il y a aussi des gars de l’autre côté, qui ne sont pas des nazis, mais des militaires normaux, avec la même hypothèque… Et combien d’autres viendront ? Les mauvais moments arrivent. Pour le long terme. Arrêtez de vous disputer entre vous, au moins ici. Sinon, nous serons tous perdus. » 609 (likes)

La libération des Ukrainiens viendra selon moi d’une révolte russe interne. Et pour cela, il est de notre devoir, à tous et à toutes, de semer « des graines de doute » dans les petites certitudes des Russes raisonnant dans leurs chambres d’échos. Publication après publication ; like après like, comme des munitions de l’esprit ; comme un corridor humanitaire de la pensée.

Je ne sais pas si vous allez faire comme moi. Mais, moi, c’est comme ça que je m’implique.

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