Le projet de chauffage biénergie qu’Hydro-Québec et Énergir veulent faire approuver par la Régie de l’énergie soulève les passions… essentiellement contre.

Les deux principales raisons invoquées sont la hausse des coûts, à court terme, pour les clients d’Hydro-Québec et le fait que le réseau de gaz naturel actuel sera encore utilisé ou même en développement, alors que l’objectif est d’en finir avec le gaz naturel. Le problème, c’est que ces deux prémisses sont fausses, les coûts seront moindres et c’est en fait le début du déclin de l’usage du gaz naturel pour une saine transition énergétique. Il ne faut pas se fier aux apparences et tomber dans la démagogie facile. Il vaut mieux comprendre plus en détail la situation, surtout quand beaucoup de Québécois ne sont pas prêts à payer plus cher leur électricité.

Rappelons la situation : il y a environ 130 000 ménages au Québec qui se chauffent au gaz naturel, alors que la majorité des autres se chauffe à l’électricité (près de trois millions de foyers). Ce chauffage au gaz naturel émet un peu moins d’un million de tonnes (Mt) de gaz à effet de serre (GES), sur un total de plus de 80 Mt. Le Québec vise à réduire de 37,5 % ses émissions d’ici 2030 et doit les éliminer au complet pour 2050. En électrifiant complètement ce chauffage au gaz naturel, on pourrait éliminer directement ces émissions de GES. Le problème, c’est que cela demanderait d’ajouter plus de 2000 MW de capacité au réseau électrique (environ 5 % de plus), et causerait une augmentation de la facture de 3 % pour tous. Non seulement les Québécois ne seraient pas heureux de cette pression à la hausse supplémentaire sur leur facture, mais plusieurs s’opposeraient aux nouvelles installations nécessaires. En parallèle, le réseau de gaz naturel d’Énergir, déjà construit, déjà dans le sol et visuellement discret, offre une option temporaire pour débuter, en attendant de nouvelles approches pour maintenir une température confortable en tout temps.

Pourquoi hésiter si, dès maintenant, on peut éviter une hausse importante des coûts (+1,3 milliard de dollars) en réduisant de plus de 50 % les émissions de GES d’ici 2030 ?

Hydro-Québec permet d’électrifier les deux tiers du chauffage des usagers actuels du gaz naturel, en utilisant le gaz naturel pour les coûteuses périodes de pointe. Celles-ci surviennent les jours où il fait très froid, comme en janvier et en février de cette année où nous avons battu les records de consommation électrique. En gardant le gaz naturel pour ces jours-là, on évite d’ajouter les 2000 MW de capacité supplémentaire qui seraient requis autrement. C’est une mesure d’optimisation énergétique disponible maintenant parmi les moins chères pour réduire les GES et qui permet à une entreprise québécoise, Énergir, de ralentir un choc économique en attendant qu’elle fasse elle-même sa propre transition. Bref, personne n’y perd, tout le monde y gagne… c’est ce qui justifie le projet.

De manière plus large, ce que les opposants comprennent mal, c’est que la transition énergétique va demander des efforts de tous les Québécois, va hausser les coûts, et va demander des changements d’habitudes. On sait très bien aussi que si un mouvement de mécontentement social débute, il peut faire dérailler les meilleures intentions et laisser des cicatrices profondes. Pensez aux soulèvements en France ou aux camionneurs qui ont tout bloqué à Ottawa pendant trois semaines. Il est donc important d’avoir des plans d’action qui sont à la fois efficaces, transitoires sans choc tarifaire et qui minimisent les changements d’habitude. C’est ce que cette entente entre Hydro et Énergir permet. L’alternative d’une électrification complète est l’inverse : plus cher avec plus de changements, dans les infrastructures d’Hydro.

Avec cette entente, rien n’empêchera de se débarrasser du gaz naturel après 2030. D’ici 2050, différentes approches devront être déployées : isolations plus efficaces, géothermie, programmes de gestion de la demande plus avancée, tarifications plus innovantes. Ces éléments sont inévitables, mais ils ne sont pas encore dans la culture québécoise. Cela demande du temps pour changer les cultures : faisons donc les premiers pas vers la transition énergétique, sans trébucher dès les premières enjambées avec des coûts plus élevés pour tous. Mais aussi, préparons-nous pour beaucoup d’autres changements, parce que ce n’est que le début. Cette idée est très positive sur tous les plans d’ici 2030 et la nature de l’entente n’est pas pour préserver ou développer le réseau actuel de gaz naturel sur le moyen et long terme.

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