La transition écologique consiste à mettre en place un ensemble de mesures qui pourraient apporter une solution globale et durable aux grands enjeux environnementaux qui menacent notre planète. Elle implique des actions majeures selon trois axes principaux : la transition énergétique, la transition industrielle et la transition agro-alimentaire.

Le premier axe comprend le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique et la diminution collective et individuelle de consommation d’énergie. Le deuxième axe vise à réduire l’empreinte carbone de la production industrielle par une révision en profondeur du cycle de vie des biens produits : conception, fabrication, commercialisation, utilisation, réemploi et recyclage. Le troisième axe concerne la réduction des impacts négatifs des modes de production agricole actuels en termes d’effet de serre, de déforestation, de pollution des sols et des eaux tout en donnant accès à une alimentation de qualité pour tous.

Vertueux et vaste programme que nous souhaitons tous voir mis en œuvre, mais dont nous ne mesurons pas toutes les implications. C’est particulièrement vrai pour le coût économique de cette transition.

Le coût de la transition écologique

Ça va coûter cher, très cher. Diverses évaluations le montrent. Ainsi, les chercheurs de l’Université Princeton estiment que les États-Unis devraient investir 11 % de leur PIB d’ici 2030 pour atteindre leur objectif de zéro émission nette d’ici 2050. La Commission européenne prévoit un montant encore plus important de 25 % du PIB au cours de la prochaine décennie alors que la Cour des comptes européenne, de son côté, prévoit qu’un budget de 11 200 milliards d’euros sera nécessaire entre 2021 et 2030 pour la transition écologique en Europe. Selon le poids économique de chaque pays, l’impact serait variable mais on estime que pour la France, par exemple, les sommes impliquées pourraient correspondre à 6 % du PIB français. Il n’existe pas d’évaluation du même type qui nous permettrait de voir ce qu’il en est pour le Québec. On peut toutefois présumer que les coûts seront très importants.

Le financement de la transition écologique

La question se pose alors : comment financer cette transition ? On peut recourir à l’endettement, augmenter le niveau des taxes et réduire les dépenses, mais aucun de ces moyens ne sera suffisant et il faudra sans doute utiliser les trois en même temps, tout en souhaitant une croissance économique relativement forte.

Financement par la dette

La gestion financière de la pandémie et un excès d’épargne mondial ont entraîné les taux d’intérêt à la baisse de sorte que le financement par endettement est aujourd’hui très peu coûteux. Cependant, cette situation est temporaire et, l’inflation aidant, les banques centrales revoient leurs interventions et annoncent un relèvement progressif des taux d’intérêt de base. Les gouvernements s’étant beaucoup endettés pour faire face à la crise sanitaire, le recours à l’emprunt pour financer la transition écologique ne sera pas aussi facile qu’avant.

Pour acheter des titres de dette publics, les investisseurs doivent avoir confiance dans la capacité des gouvernements de les rembourser et c’est toute la soutenabilité de la dette qui est évaluée. Les pays ayant moins d’endettement et une économie forte pourront se financer sur les marchés financiers quoiqu’à des taux supérieurs à leurs emprunts précédents. Les pays fortement endettés dont l’économie manque de vigueur devront accepter de payer plus cher pour du financement tout en voyant celui-ci se raréfier et, dans certains cas, s’arrêter. La voie de l’endettement pour financer la transition écologique comporte des risques importants et n’est pas accessible à tous.

Financement par la réduction des dépenses

Il est certain qu’il faudra revoir la structure des dépenses gouvernementales pour prioriser davantage celles qui faciliteront la transition écologique. Cela implique d’effectuer un transfert des programmes dépensiers actuels vers des programmes plus verts. Mais quelles dépenses supprimer ?

Le vieillissement de la population a entraîné une hausse majeure des dépenses de retraite et de santé et celles-ci vont continuer d’accaparer une part importante des budgets publics. De même pour l’éducation, la formation de la main-d’œuvre et le soutien du revenu. Si l’on veut dégager des sommes considérables pour soutenir la transition écologique, notamment pour le financement de la recherche et des investissements publics qui seront nécessaires, des choix difficiles devront être faits et le soutien de la population sera nécessaire. Bien qu’une révision des dépenses publiques apparaisse inévitable, il ne faut pas en attendre des miracles.

Financement par la fiscalité

Les revenus de l’État proviennent des prélèvements qui sont effectués sur les revenus des ménages et des entreprises. Le niveau de pression fiscale déjà atteint va déterminer quel espace sera disponible pour financer au moins en partie la transition écologique. La plupart des gouvernements vont chercher à éviter de surtaxer la classe moyenne et les démunis et examiner de quelle façon les classes aisées pourraient contribuer davantage sans nuire à l’économie. De nombreuses études montrent que le rendement escompté n’est pas toujours au rendez-vous. Faire porter par les riches une partie du poids des dépenses liées à la transition ne suffira pas de combler les besoins immenses de la transition écologique.

Une autre approche consiste à introduire le coût du carbone dans le prix des biens et services consommés via une taxe carbone ou l’achat de droits de polluer (bourse du carbone). L’un et l’autre impliquent de hausser le coût de production des producteurs de GES. En augmentant le prix de vente, on réduit progressivement l’offre et la demande de produits rejetant d’importantes quantités de carbone de sorte que les entreprises sont incitées à investir dans les économies d’énergie et les énergies propres. Ces deux outils fiscaux ne sont vraiment efficaces que s’ils atteignent des niveaux beaucoup plus élevés qu’actuellement mais, ce faisant, ils risquent non seulement d’affecter au moins temporairement l’activité économique mais aussi de créer beaucoup de mécontents parmi les citoyens qui vont la subir et la trouver socialement injuste.

Financement par la croissance

La transition écologique ne pourra véritablement s’installer sans que des bouleversements n’affectent la vie des populations. Pour les gouvernements qui veulent éviter que la cause environnementale ne soit perçue comme punitive, la clé réside dans le maintien d’un niveau de vie adéquat des citoyens. L’acceptabilité sociale est à ce prix.

Ni les emprunts, ni les nouvelles taxes, ni les changements dans les dépenses ne seront possibles si l’activité économique diminue. Il y aura trop à financer pour que les revenus stagnent. Sans le maintien d’une croissance assez forte pour soutenir de nouveaux emprunts, de nouvelles taxes et des dépenses nouvelles, la transition écologique ne se réalisera pas aussi rapidement que nécessaire et pourrait même être remise en question.

La transition écologique sans croissance économique : déception à l’horizon

On entend de plus en plus souvent les groupes environnementalistes et les partis politiques qui les appuient prétendre que pour sauver la Terre, il faut rompre avec les modes de production et de consommation actuels qui non seulement en épuisent les richesses, mais mènent le monde à sa destruction. S’appuyant sur les nombreux rapports (dont ceux du GIEC) démontrant que le maintien des tendances passées et présentes contribue à l’aggravation des problèmes de la planète, ils recommandent une décélération rapide de la croissance économique, voire son arrêt ou même une croissance négative.

Rarement prend-on la peine d’expliquer ce que signifie une croissance nulle ou négative dans la vie des citoyens ni que la transition écologique sans croissance économique est vouée sinon à l’échec, du moins à une mise en œuvre lente.

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