Quarante millions de dollars. C’est le montant du don le plus important jamais reçu par l’Université de Montréal et qui a été dévoilé cette semaine. En fait, c’est le don le plus important jamais reçu par une université francophone en Amérique du Nord. Le montant marque les esprits et donne la mesure du chemin parcouru depuis l’époque où les Québécois francophones étaient perçus comme étant « nés pour un petit pain ». Il ouvre une porte qui n’a encore jamais été ouverte dans la philanthropie universitaire francophone. Une porte qui, souhaitons-le, sera empruntée par d’autres mécènes.

Ce don record a été versé en parts égales par l’entreprise Québecor et par la Fondation Chopin-Péladeau et servira à exposer davantage nos étudiants et étudiantes à l’entrepreneuriat et à soutenir leurs projets. Il s’agit d’une déclaration de confiance à l’endroit de l’Université de Montréal et du monde universitaire québécois. C’est aussi l’occasion de réfléchir à la place que doit occuper la philanthropie – les dons exceptionnels comme les dons de petite taille – dans l’essor de nos universités.

Les universités sont un vecteur exceptionnel de déploiement du potentiel humain. Un espace où, pour paraphraser l’écrivain Mathieu Bélisle, on s’approprie « des idéaux qui nous arrachent à nous-mêmes ». Où l’on découvre « le goût du vertige » ⁠1 et où l’on nourrit la volonté de prendre des risques. Des générations de femmes et d’hommes ont ainsi acquis dans nos universités des savoirs, de l’expertise, et un sens du bien commun qui ont été mis au service de l’émergence du Québec fort et prospère d’aujourd’hui.

De même, la jeunesse en 2022 a devant elle de grands défis. Elle porte de grands rêves aussi, et nous voulons – nous devons – lui donner le pouvoir de concrétiser ses idées. Le soutien philanthropique de nos diplômés est l’une des clés de ce projet. Le don historique de la famille Péladeau et Québecor en est un riche exemple. Il servira à semer les graines de nouvelles entreprises et à soutenir leur élan pour qu’elles contribuent, à leur tour, au développement économique, culturel, social et scientifique du Québec. Ces entreprises pourront provenir de tous les secteurs de l’Université parce que les bonnes idées fleurissent partout sur nos campus et que l’entrepreneuriat est irréductible à l’idée de profit financier. Il peut aussi être un vecteur de justice sociale et de partage.

Dans toutes nos facultés, nous avons les idées, l’expertise, la technologie – et maintenant, les moyens – pour faire émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs engagés, intègres et responsables, pour le plus grand bien du Québec.

Il faut le dire, parce qu’on affirme parfois le contraire : la philanthropie, peu importe son échelle, n’accorde jamais aux donateurs un pouvoir d’ingérence dans la vie scientifique. Des règles strictes font en sorte qu’elle s’inscrit toujours dans le respect du principe fondamental de liberté académique. Et il faut aussi rappeler que la philanthropie ne se substitue absolument pas au financement public. Elle permet, non pas de mieux faire ce que l’on fait déjà, mais bien de faire autre chose, de rêver un peu et de sortir de notre ordinaire. C’est un complément essentiel à la réalisation de projets que nous choisissons, par lesquels nos étudiants et nos chercheurs peuvent déployer leur plein potentiel. C’est aussi un socle à partir duquel nos établissements pourront rivaliser avec les meilleurs au monde.

Ne pas se contenter de l’ordinaire

Justement, quelles sont nos ambitions pour les grandes universités du Québec ? Veut-on que notre jeunesse ait accès à des formations de classe mondiale ? Veut-on que nos environnements de recherche continuent de produire des découvertes qui font rayonner le génie québécois dans le monde ? Veut-on que le Québec soit vu comme une plaque tournante du savoir, une destination pour les meilleurs cerveaux du monde ? Oui !

Nous jouissons, au Québec, et à l’Université de Montréal en particulier, d’une expertise exceptionnelle dans des domaines comme l’intelligence artificielle, les sciences de la vie humaine et animale, la transition écologique et les technologies vertes, les politiques publiques et la démocratie, les enjeux identitaires, le design ou l’astrophysique. Chaque jour, les équipes de recherche et la population étudiante de l’Université de Montréal contribuent au rayonnement international du Québec en tant qu’une des plus grandes universités de langue française au monde. Il faut impérieusement récuser l’idée que le destin du Québec et de ses universités de langue française est de se contenter de l’ordinaire. Nous avons ce qu’il faut pour jouer dans la cour des grands.

« Je crois que celui qui a beaucoup reçu doit beaucoup remettre », disait le fondateur de Québecor, Pierre Péladeau. Il avait bien raison. Le Québec peut et doit avoir de grandes ambitions. Il ne nous faudra que la volonté d’aller au-delà de nous-mêmes, avec l’appui de nos diplômés et de nos amis.

Aujourd’hui, l’Université de Montréal a plus d’amis qu’hier. Et je parie que demain elle en aura plus qu’aujourd’hui.

1. Mathieu Bélisle, Bienvenue au pays de la vie ordinaire, Leméac, 2018

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