La connerie est aujourd’hui un puissant outil de communication. En quoi consiste-t-elle ? Et surtout, pourquoi faut-il l’éviter ?

En 2005, le philosophe américain Harry Frankfurt publia un livre sur la connerie dont le succès fut retentissant. Dans De l’art de dire des conneries (On Bullshit), Frankfurt soutenait que la connerie était omniprésente dans notre culture et que cela avait des conséquences néfastes sur la recherche de la vérité.

La définition que donnait Frankfurt de la connerie et les conclusions qu’il en tirait sont toujours aussi pertinentes, surtout en matière de communication publique.

Qu’est-ce que la connerie ?

Pour Frankfurt, la connerie consiste à n’avoir aucune considération pour la vérité et la fausseté. Pour le déconneur, la seule chose qui compte, c’est de convaincre son auditoire d’agir d’une certaine façon ou de croire en quelque chose.

L’omniprésence de la connerie s’explique notamment par la croyance que, dans une société démocratique, les citoyens devraient avoir une opinion sur tous les sujets.

Or, il est impossible d’avoir une opinion sur tous les sujets, d’où la tendance à justifier nos opinions en nous appuyant sur des conneries.

Lorsque, par exemple, un candidat au poste de président des États-Unis déclare qu’il peut gouverner son pays à cause de son expérience militaire, il déconne. Non seulement il est difficile de savoir si cela est vrai ou faux, mais rien ne garantit que les qualités requises pour être un bon militaire soient celles d’un bon président.

De même, lorsque le porte-parole d’une marque de boisson énergisante dit publiquement qu’il s’agit de la meilleure boisson énergisante sur le marché et qu’il adore ce genre de boisson, il déconne. Son but n’est ni de dire la vérité ni de mentir, mais de vendre une marque de boisson énergisante.

La connerie n’est toutefois pas le mensonge. Le menteur sait qu’il ment. Il connaît donc la vérité. D’une certaine façon, il a plus de respect pour la vérité que le déconneur qui, lui, est prêt à tout dire pour arriver à ses fins.

Pourquoi faut-il éviter de dire des conneries ?

Selon Frankfurt, la connerie fait un tort irréparable à la vérité. Quand on vit dans une société où la connerie est omniprésente, il est difficile de savoir ce qui est vrai et de comprendre le réel.

En matière de communication publique, la connerie a deux effets particulièrement néfastes.

Le premier est qu’elle mine la confiance. Si mon interlocuteur ne respecte pas les mêmes règles de communication que moi, surtout la distinction entre le vrai et le faux, et s’il est prêt à dire n’importe quoi, il est difficile d’avoir confiance en lui.

La connerie introduit l’idée que ce qu’on nous dit a principalement pour but de nous manipuler et non de nous transmettre une information factuelle.

L’autre effet néfaste est qu’elle mine les conditions du dialogue. Si les interlocuteurs ne se font pas confiance, la volonté de dialoguer avec ceux qui ne partagent pas nos idées est considérablement réduite.

Au lieu de dialoguer avec ceux qui ne partagent pas nos idées, on dialogue avec ceux qui les partagent déjà, ce qui réduit notre capacité à réviser notre point de vue et, éventuellement, à changer d’idée.

S’il fallait dire d’un mot pourquoi il faut éviter de dire des conneries, on peut dire que c’est parce qu’elles portent atteinte non seulement à la recherche de la vérité, mais aux conditions d’une communication publique réussie.

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