Des amis à travers le monde me contactent pour me submerger de questions sur la crise des camionneurs qui paralyse la capitale nationale canadienne. Cette crise ne passe pas inaperçue ; elle fait la une des médias dans le monde.

C’est que le Canada, avec son premier ministre jeune et cool, a la réputation d’être un pays d’ouverture et de paix. Le pays où il fait bon vivre et où tout le monde veut immigrer.

La question lancinante qui revient chez mes amis, même s’ils ne sont pas des antivax, est toujours la même. Pourquoi ce gouvernement à la réputation si progressiste est-il si fermé à l’idée de permettre aux camionneurs de se libérer des restrictions vaccinales, alors que plus de 90 % des Canadiens sont déjà vaccinés ?

Dans mes tentatives d’expliquer la complexité de la chose, je ne peux m’empêcher de penser aux enseignements de Barbara Coloroso. C’était ma gourou des années 2000, la femme qui m’a permis de passer au travers des crises d’adolescence de mes enfants. J’étais jeune chef de famille monoparentale, et je voulais élever mes enfants loin de ma culture d’origine, qui préconise une éducation très stricte et la punition physique. Je dois avouer que Barbara C. m’a sauvé la vie… et celle de mes enfants ! Je guettais donc les venues de la conférencière américaine et auteur de renommée internationale dans les domaines de la parentalité, la discipline scolaire, la résolution non violente des conflits et la justice réconciliatrice. Dans les salles d’écoles montréalaises, les parents s’entassaient comme des sardines pour l’écouter. On buvait les paroles et les conseils de la dame à la chevelure blanche. Elle ne nous offrait pas de solutions à nos problèmes, mais elle nous outillait pour mieux affronter les difficultés avec nos enfants et pour mieux les élever.

Selon Barbara Coloroso, il y a trois catégories de parents, « les parents murs de briques » (rigides et contrôlants) ; « les parents Jellyfish » (très permissifs et sans structure) et les « back-bone parents » (avec de la structure et de la latitude pour plus de créativité). Subsiste parmi ses phrases qui me restent celle-ci : « Les enfants ne peuvent pas développer un sens de la discipline intérieure si tout le contrôle vient de l’extérieur. »

Vous allez me dire : quel est le rapport avec le premier ministre Justin Trudeau et la crise des camionneurs ? Eh bien, je trouve que dans les situations de crise, le travail des politiciens s’approche étrangement de celui des parents avec des ados en crise. Et s’il y’a une chose que Barbara C. nous déconseille de faire avec les ados, c’est de les dénigrer et de leur faire comprendre que leurs « bobos » ne sont pas importants ! L’écoute et la compassion sont aussi importantes en politique !

Tiens, un bon exemple de solution du genre « back-bone parents », c’est la décision du gouvernement Legault, qui a décidé de reculer sur la vaccination obligatoire du personnel hospitalier quand il a réalisé qu’il risquait de perdre 20 % de son personnel soignant dans des hôpitaux déjà en situation de perfusion.

Cependant, la façon de gérer la crise des camionneurs par le premier ministre Justin Trudeau et son « dénigrement » de leurs revendications est plus proche de la façon « parents murs de briques », ce qui risque de nous mener droit dans un mur s’il ne change pas de tactique, et vite !

La situation s’est dangereusement envenimée. Nous ne sommes plus devant les camionneurs canadiens qui ont souffert de la pandémie. Ces hommes et ces femmes qui passent leur vie dans leurs engins et qui, depuis deux ans, doivent braver les forêts pour faire leurs besoins, sans pouvoir s’arrêter durant les longues journées ou nuits de conduite pour s’attabler dans un restaurant. Le ras-le-bol est donc légitime, et les manifestations sont tout à fait acceptables en démocratie.

Ce qui fait peur, aujourd’hui, c’est le spectre derrière qui veut instrumentaliser ces manifestations pour nous ramener les fractures américaines entre les démocrates et l’extrême droite. Leur machine est bien huilée, Fox News s’y met. Et plein d’autres, comme Ted Cruz. Un spectre aux plans qui donnent froid dans le dos. On l’a vu grandir aux États-Unis et devenir le monstre qui unit plus de 70 millions d’Américains qui ne croient plus en la démocratie. Son point culminant : l’assaut du Capitole, à Washington, le 6 janvier 2021.

Cette crise à Ottawa est trop grave pour que la police puisse la résoudre seule. Le gouvernement canadien devra user d’intelligence pour désamorcer la crise au plus vite…

Quand notre démocratie est en danger, abdiquer pour que les camionneurs obtiennent leurs revendications contre le passeport vaccinal est de l’ordre des couleurs dépareillées des chaussettes de notre enfant. Le plus important c’est qu’il dorme à la bonne heure… les chaussettes dépareillées, c’est bien secondaire, et on peut vivre avec, nous dirait Barbara Coloroso.

Nous sortons de cette pandémie bien maganés psychologiquement, physiquement et financièrement. Il ne faudra pas qu’en plus on en sorte plus divisés !

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