Il y a quelques jours, le directeur général de la Société de transport de Montréal (STM), Luc Tremblay, a lancé un cri du cœur en suggérant que l’on revoie les sources de financement du transport collectif et la gouvernance métropolitaine. J’ai été aux côtés de M. Tremblay pendant huit ans et je partage totalement ses préoccupations quant à la gouvernance et la nécessité de revoir le financement du transport collectif.

J’ai été fort surpris de lire les commentaires du porte-parole de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) dans certains médias à la suite de l’annonce du départ de Luc Tremblay. Au lieu de reconnaître le malaise, il défend l’institution et montre du doigt les partenaires : « Ça demande une adaptation de la part de tous, dit-il. Ça suppose de travailler ensemble et de faire des compromis là où les sociétés de transport étaient autrefois en autarcie. »

Il est fort utile d’évoquer la résistance au changement de la part des sociétés de transport, cela évite d’avoir à réfléchir aux responsabilités partagées et, à force de le répéter, on finit par y croire.

L’ARTM est une cible facile, j’en conviens, je vais donc prendre sa défense, ce qui en surprendra quelques-uns.

L’Autorité régionale, sur laquelle nous fondions de grands espoirs, se retrouve dans une situation intenable parce qu’on ne lui donne pas les moyens de s’acquitter de son mandat.

Elle doit planifier le développement des réseaux et prioriser les projets en fonction des besoins, mais pour obtenir l’adhésion de ses partenaires municipaux, elle a plutôt fait une longue liste qui totalise des investissements de 57 milliards de dollars dans son Plan stratégique de développement. Il y en a pour tous les secteurs, on laisse à d’autres le soin de décider par où commencer, mais les élus locaux sont contents !

Cela étant dit, il faut laisser l’ARTM faire son travail et assumer ce rôle de planificateur. Je défendais l’idée, en 2013, qu’il fallait dépolitiser le processus et laisser aux experts le soin de déterminer la pertinence des projets de développement.

Est-ce que des experts auraient recommandé de dépenser 700 millions pour le train de Mascouche qui déplaçait 3500 personnes par jour avant la pandémie ? J’en doute. Je me demande d’ailleurs si l’idée de développer un réseau parallèle et en concurrence avec la ligne verte dans l’est de l’île, le REM, résisterait à l’analyse objective des experts.

L’ARTM se retrouve aussi au cœur des enjeux de financement, une situation qui existait bien avant la pandémie. Les revenus ne couvrent plus les dépenses et l’arrivée du REM viendra ajouter une bouche à nourrir à même une tarte qui ne grossit pas. Rappelons aussi que le financement du REM est basé sur un coût kilométrique par passager supérieur à celui des sociétés de transport existantes, un coût qui tient compte d’un rendement attendu de 8 %.

Les municipalités de la région sont préoccupées, à juste titre, par la hausse des comptes de taxes, les membres du conseil d’administration de l’ARTM sont préoccupés par l’impact des hausses de tarifs et le gouvernement du Québec a l’œil sur son déficit accentué par la pandémie.

Pendant mon mandat, j’ai constaté que les partenaires sont très conscients de la nécessité de développer nos réseaux. Cet enthousiasme est souvent freiné par l’impact des coûts d’opération sur les budgets municipaux.

Je crois qu’il faut avoir l’audace de penser out of the box, comme on dit à Beaconsfield.

Pourrait-on envisager de confier à l’ARTM un pouvoir de taxation direct comme on le confie au conseil de gestion de la taxe scolaire ? L’ARTM pourrait dans un premier temps utiliser ce pouvoir pour financer la croissance. Éventuellement, on pourrait intégrer les coûts des modes lourds régionaux : métro, trains de banlieue et REM. Les villes assumeraient les coûts des réseaux d’autobus locaux.

Une telle mesure libérerait un espace fiscal dans les municipalités. Il faudrait évidemment créer un mécanisme pour encadrer les montants perçus par l’ARTM sur le principe de la Régie de l’énergie.

Le financement des transports en commun a toujours été problématique parce qu’il est sujet à des arbitrages qui ne tiennent pas compte des réalités intrinsèques. On ne peut pas gérer la mobilité comme on gère les patinoires et les bibliothèques. Je connais l’attachement des élus municipaux envers la mobilité durable, mais cet attachement a un coût.

Il est temps de considérer l’aspect collectif du financement et de mettre l’accent sur les mots « transport métropolitain » plutôt que sur le mot « autorité » dans la gouvernance régionale.

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