Pour bon nombre de Québécois, le mois de janvier est l’occasion de s’asseoir devant son téléviseur pour regarder les séries éliminatoires de la NFL et, ultimement, le Super Bowl. Cette année, RDS présente sur ses ondes une publicité bien particulière pour annoncer cet évènement qui est chaque année incontournable. Dans celle-ci, on entend l’animateur David Arsenault remercier chaleureusement ses auditeurs de « regarder leur football en français à RDS, et ce même si la tentation est grande d’aller voir les réseaux américains ».

Cette publicité s’inscrit dans une stratégie marketing qui se présente en toute transparence en opposition aux grands réseaux américains. Dans le Québec d’hier, une telle stratégie marketing était plus ou moins pertinente, car les Québécois étaient déjà fidèles à leur télévision. Cela s’expliquait par la qualité des émissions présentées, mais aussi, soyons honnêtes, par le peu d’offres télévisuelles.

Dans le Québec de 2022, les Québécois sont de plus en plus bilingues et une pléthore de choix s’offre maintenant à eux. Les chaînes québécoises, qu’elles soient spécialisées ou généralistes, sont non seulement en compétition entre elles, mais aussi avec les chaînes au sud de la frontière, qui, elles, ont des budgets pharaonesques.

Devant tant de choix, de moins en moins de raisons poussent les Québécois à consommer les médias d’ici. Voilà donc le contexte qui encourage les médias québécois à présenter l’originalité du produit qu’ils offrent et l’idée du français comme pierre angulaire de cet avantage concurrentiel est très certainement prometteuse. En effet, voilà une des facettes de leur produit qui leur permet de se différencier des chaînes étatsuniennes.

Un autre aspect intéressant de cette stratégie marketing est qu’elle se positionne en porte-à-faux de l’époque qui se voudrait plutôt celle de la mondialisation et de la logique du « citoyen du monde ». À l’inverse de cette tendance, on voit RDS développer la fidélisation de son auditoire en portant fièrement une langue et, plus largement, une culture sportive toute québécoise.

Mais pour qu’un service en français soit rentable, encore faut-il une population attachée à la langue de Molière. À partir d’un tel constat et selon un calcul strictement économique, les médias québécois gagnent donc à ce qu’une certaine francophilie reste bien vivante. Dans le scénario contraire, celui de l’anglicisation et de l’américanisation de notre culture, ces médias perdraient tout pouvoir, qu’il soit culturel, social ou économique.

C’est donc dire qu’avec cette publicité qui mélange avantage concurrentiel et culture, c’est toute la question de la transmission de l’attachement au français qui est posée. Cette transmission, qui a été négligée depuis quelques années, est à reprendre à chaque génération et cela est aussi vrai pour les Québécois que pour les néo-Québécois. Comprenons bien ce qui est en jeu. Aujourd’hui, il est de plus en plus facile d’habiter à l’intérieur des frontières québécoises, sans pour autant habiter culturellement le Québec. Si nous n’entretenons pas cet attachement au français, si nous ne transmettons plus cette belle langue avec passion, on ne donnera pas cher de la peau de nos médias et par le fait même de notre culture.

Le français, c’est payant. Arrangeons-nous pour que ça le reste.

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