Un seul évènement, qu’il s’agisse de l’obstruction du canal de Suez ou la récente grève au port de Montréal, a des répercussions sur l’ensemble des chaînes d’approvisionnement mondiales. Et, après une année de perturbations causées par la pandémie, on peut y voir un autre motif qui devrait amener les entreprises à repenser la gestion de leur chaîne d’approvisionnement.

Selon les résultats de notre sondage Pulse de 2021 auprès des chefs de la direction de 11 marchés clés de la planète, dont le Canada, le risque que représentent les chaînes d’approvisionnement est maintenant devenu la troisième menace en importance sur la croissance des entreprises ; ce risque occupait le cinquième rang il y a à peine six mois. Près des deux tiers des chefs de la direction estiment que leur chaîne d’approvisionnement doit être entièrement repensée. Un récent sondage de KPMG au Canada montre également que 9 Canadiens sur 10 veulent que le pays adopte un état d’esprit qui ferait passer « le Canada d’abord » et que les entreprises canadiennes devraient augmenter la sous-traitance avec de petites et moyennes entreprises canadiennes locales.

Continuité de l’approvisionnement

Depuis des années, les entreprises cherchent à augmenter leurs marges. Toutefois, une chaîne d’approvisionnement qui repose entièrement sur des coûts à peine plus bas n’est plus tenable – la fréquence accrue des perturbations majeures au sein des chaînes d’approvisionnement mondiales a eu pour résultat de réduire l’offre et d’entraîner d’importants coûts économiques et une incertitude qui finissent par mettre en péril les économies recherchées.

Avant même que n’interviennent les profondes perturbations causées par la pandémie, les entreprises accordaient trop d’importance au coût d’acquisition.

Ainsi, elles acceptaient d’acheter des marchandises dans les endroits les plus éloignés, les plus reculés, dans des pays en voie de développement où les infrastructures sont parfois douteuses et la stabilité politique et économique souvent chambranlante. Cela ne peut fonctionner que si tout se déroule sans anicroche. Par conséquent, pour ceux qui sont toujours à la recherche du fournisseur le moins exigeant, la pandémie a sonné l’heure d’un réveil brutal.

Nous voyons donc aujourd’hui des entreprises revoir l’entièreté de leurs réseaux d’approvisionnement et de distribution à l’échelle de la planète. Elles accordent désormais beaucoup plus d’attention aux questions de guerres commerciales, de main-d’œuvre, de fiscalité et de douane, aux coûts de transport et à la résilience de l’infrastructure et des économies des pays sources en cas de coup dur. Les guerres commerciales et la fiscalité ont aussi obligé des entreprises à revoir des décisions en matière de chaîne d’approvisionnement qu’elles avaient l’habitude de prendre en grande partie en fonction des coûts.

Le monde est de plus en plus petit

Si le nationalisme économique n’a rien de nouveau, la COVID-19 a tout de même renouvelé l’intérêt envers ce concept, et de plus en plus d’entreprises cherchent à intégrer davantage de fournisseurs locaux ou régionaux à leur chaîne d’approvisionnement – ou du moins cherchent-elles des solutions de rechange et des fournisseurs moins éloignés pour une partie de leur offre de produits. Et il semble que les Canadiens sont prêts à mettre la main au portefeuille : notre récent rapport S’adapter au consommateur canadien indique que 79 % des Canadiens sont prêts à payer plus cher pour se procurer certains produits auprès de fournisseurs locaux.

Ce chiffre démontre que les entreprises canadiennes peuvent saisir l’occasion de mettre sur pied des microchaînes d’approvisionnement comme solution de rechange : des systèmes agiles, décentralisés qui mettent en lien les producteurs et les consommateurs d’une même région, des contrats d’approvisionnement souples, et des nœuds de fabrication et de regroupement plus près du point d’achat.

Les entreprises choisissent aussi désormais des modèles fondés sur les données prédictives plutôt que sur les données historiques et font appel à l’analyse pour mieux prévoir la demande, que ce soit en temps de pandémie ou après.

Certes, les applications pratiques de l’intelligence artificielle ne sont pas encore très répandues, en bonne partie parce que nous ne disposons pas de données en temps réel exactes et fiables pour l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Il reste que l’IA a le potentiel de servir à obtenir des renseignements précieux à partir de grands ensembles de données.

La trop grande dépendance aux stratégies de livraison juste à temps nous a amenés à accorder trop d’importance à la réduction des coûts de maintien des stocks, ce qui a fini par exposer les entreprises à des pénuries, à des répercussions sur le niveau de service et à un risque de continuité. Comme l’ont démontré les évènements de la dernière année, la résilience et l’agilité d’une chaîne d’approvisionnement ont tout autant d’importance, sinon plus. Aujourd’hui, trouver l’équilibre au sein des chaînes d’approvisionnement mondial est un impératif incontournable.

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