Cette semaine, on allait presque oublier de préciser quelles étaient les modalités de déconfinement en CHSLD, en ressources intermédiaires et résidences privées pour aînés. C’est du déjà vu. L’an dernier, dans un point de presse portant sur le déconfinement graduel, aucune précision fournie alors que tant de proches aidants et de résidants souhaitaient un retour à un semblant de normalité, aucune question non plus des journalistes.

Une lettre qu’avait signée des gériatres et d’autres intervenants soulignait l’impératif d’évaluer l’impact psychosocial en équipe multidisciplinaire de la première vague sur les pensionnaires de CHSLD, que des semaines sans visites ni activités, quasi vidées d’agréments, sans Pâques ni fête des Mères, avaient fortement ébranlés, voire déstabilisés. On n’a pas donné suite à cette requête pourtant fort pertinente.

En 2020, nous avons amorcé l’été sans vaccin ni variants omniprésents, sans même la recommandation du port obligatoire d’un couvre-visage jusqu’à la mi-juillet. En CHSLD, on avait assoupli juste un peu le droit de visite de proches aidants, deux à la fois, visite permise uniquement dans la chambre du résidant, les aires communes étant interdites aux visiteurs.

Dans l’unité où résidait ma mère, décédée à l’automne, le patio extérieur clôturé étant une aire commune, nous n’avions pas le droit de la voir à l’extérieur.

Elle et les autres pensionnaires ne passaient jamais leur journée dans leur chambre, ils n’avaient pas l’habitude de recevoir ailleurs que dans un joli salon ou dans la grande aire commune. Pas tous les résidants ont eu la permission de faire une sortie en famille, un séjour de 24 heures chez un proche parent. En France, on se montrait plus flexible, plus soucieux du risque de dépression et du syndrome du glissement qu’ici.

La santé publique avait le dos large : jamais n’a-t-on voulu admettre que certaines consignes méritaient d’être révisées, jamais de cas par cas, le personnel était aux aguets.

Des intrus aidants

Nous nous sentions, mon mari et moi, souvent traités comme des intrus. Ce fut très frustrant. À cela s’ajoutait l’incessant exercice de soutien et de réconfort, sans jamais se toucher, en restant à 2 m de distance. Cette unité avait perdu une part d’humanité. L’enfermement tuait à petit feu des résidants. Des décès se sont succédé. Mais voilà, ils n’étaient pas directement liés à la COVID-19, on ne semblait jamais tenir compte rigoureusement des impacts collatéraux de la pandémie.

J’ai envoyé cinq lettres à ce sujet afin d’alerter le cabinet de la ministre des Aînés ; aucune réaction, pas même un accusé de réception.

Ma mission crève-cœur de proche aidante s’est achevée en toute impuissance. Je pourrais réagir comme la plupart des gens dans la société en ne me souciant guère de ce que l’on ne semble pas accorder beaucoup plus d’importance que l’an dernier au besoin de retrouver une vie quasi normale remplie de petites joies à savourer, avant de tout oublier, avant de mourir de sa belle mort. Penser aux terrasses, au barbecue, à des vacances, ce n’est pas ma priorité.

Les résidants de CHSLD ont servi volontiers de cobayes à la vaccination pour la nation. En leur accordant la priorité, on leur promettait à court terme une douceur de vivre avec moins d’interdits et de contraintes. On leur a administré la deuxième dose. Les proches aidants ont reçu leur première et bientôt ce sera la deuxième. Je demande au premier ministre et à la ministre Marguerite Blais quand cessera-t-on enfin d’infantiliser les vieux vulnérables, quand tiendra-t-on vraiment compte de leur opinion ? Dans les futures maisons des aînés, à aménager en fonction de possibles pandémies, y aura-t-il des demi-portes à verrouiller de l’extérieur pour emprisonner des résidants confus et agités en cas d’éclosion ?

De grâce, laissons-les vivre pour vrai, ces résidants de CHSLD, de ressources intermédiaires et de résidences privées pour aînés, laissons leurs proches les rejoindre en toute affection et solidarité !

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion