Droit dans le mur, c’est l’image la plus forte et omniprésente qui me vient en tête quand j’entends parler de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Non pas parce que leur mission n’est pas juste et non pas non plus parce que ce sont des voleurs d’enfants. Au contraire, j’en ai déjà parlé, ceux œuvrant auprès de ces jeunes sont des lumières dans la misère se démenant pour rendre le monde meilleur.

Par contre, ces soldats de l’ombre, ces anges-gardiens de la sécurité des enfants sont au bout du bout du rouleau présentement. J’aimerais dire que j’ai été surpris avant-hier quand j’ai vu une immense pancarte indiquant SURMENAGE à la DPJ à la sortie de l’autoroute tout près de mon lieu de travail, mais non, il fallait s’y attendre. Il y en avait une autre décriant la PÉNURIE de personnel et de ressources à la sortie suivante, m’a fait remarquer un de mes proches.

Comme un dernier signal d’alerte, un ultime cri du fond du cœur des travailleurs épuisés qui hurlent à l’aide en croulant sous les vagues de dossiers, se noyant à petit feu puisque le bateau ne prend plus seulement l’eau, il coule littéralement.

Les employés désabusés se sentent complètement dépassés par la situation déplorable de l’état de cette institution.

Le plus regrettable, c’est que les jeunes censés être pris en charge par le système en vue d’une intégration la plus normale possible à notre société coulent également au large à même le paquebot qui ne réussit pas à vider sa cale de toute la lourdeur cumulée l’empêchant de se remettre à flot pour changer le cap vers un horizon meilleur.

Dernièrement, la tendance à la télévision, ce sont les émissions portant sur la DPJ qui mettent en lumière le travail des intervenants et la réalité des jeunes qui évoluent dans le système. Je crois que c’est une bonne chose d’informer la population de cette réalité qui frappe bien des familles québécoises, mais si, en fin de compte, il n’y a pas plus de ressources, pas plus d’intervenants, pas de meilleures conditions de travail et aucune mobilisation citoyenne sous forme de vigilance et de bénévolat pour épauler ces familles et ces jeunes vivant des difficultés, tout cela n’est qu’une vaine téléréalité. Au mieux, cela va permettre à plus de gens de réaliser la chance qu’ils ont de vivre dans des familles chaleureuses et fonctionnelles tout en se sentant désolés pour ces jeunes dont le départ dans la vie n’a pas été aussi positif que le leur.

Ces enfants, ces jeunes, ces adolescents n’ont pas besoin de notre pitié, mais bien plus d’une réelle prise en charge collective. Il nous faut trouver des solutions sociales à ce mal-être familial. Être seulement téléspectateurs de leur réalité ne va en rien les aider à évoluer, à se relever et à s’insérer dans la société, mais si, individuellement, nous devenons plus conscients de cette problématique, c’est déjà un pas en avant. Tout un chacun, nous pouvons faire une différence dans la vie de nos jeunes.

Que ce soit par un employeur qui donne une chance à un jeune même s’il habite en centre jeunesse, par une personne qui prend le temps de discuter avec un jeune en lui démontrant de l’intérêt, par la confiance qu’investit un intervenant en un jeune, par la gentillesse qu’un professionnel (dentiste, médecin, coiffeur, etc.) peut avoir à leur égard dans sa relation avec eux, que cela soit par de l’implication bénévole auprès de la Fondation du Centre jeunesse de Montréal ou de toute autre fondation leur venant en aide. Sous forme de dons monétaires, de dons d’objets pour les aider à faire leurs trousseaux pour voler de leurs propres ailes, mais, ce qui a le plus d’impact, sous forme de don de temps, de don de soi-même, je parle de bénévolat direct avec ces enfants qui n’ont rien demandé à la vie et qui méritent toute notre attention.

Dur constat

J’ai eu une discussion dernièrement avec un travailleur de rue de la métropole qui œuvre auprès des sans-abri, toxicomanes et autres laissés pour compte du système qui m’a profondément ébranlée. Je souhaite ici louanger au passage le travail vocationnel incroyable de ces âmes charitables qui sont nos ultimes bouées de sauvetage à la mer pour nos plus marginalisés. Discutant de mon incursion dans le domaine du travail social et de mon bénévolat comme grand frère auprès d’un jeune adulte qui sortira prochainement du système à majorité, nous avons évoqué les difficultés relatives à cette transition des jeunes dans le monde adulte, dans le monde des responsabilités et de l’autonomie, à juste 18 ans.

Sur le coup, lorsqu’il m’a mentionné qu’il donnait de petites conférences aux jeunes en centres jeunesse et parlait des services que son organisme offre en leur distribuant également les adresses d’autres organismes en hébergement et en alimentation pour aider ceux qui vivent dans la rue, cela m’a semblé une bonne idée. Ce n’est qu’une fois à la maison, en y repensant calmement, que la réalité m’a frappé en pleine face.

Pas de journées carrière traitant de perspectives d’avenir pour ces jeunes comme le vivent tous les autres adolescents québécois, mais plutôt une journée survie leur indiquant à quel endroit aller pour manger et lequel fréquenter pour ne pas mourir congelé dans la rue une fois l’hiver venu.

J’en ai eu le cœur déchiré de constater le gouffre de notre échec à les aider à cheminer dans la vie pour devenir des citoyens à part entière, fiers et forts, sentant que nous avons été là en tant que collectivité pour les soutenir dans des défis familiaux et personnels qu’aucun enfant ne devrait jamais traverser.

Ces jeunes, déjà mis à mal par la vie, partant avec des pions en moins sur l’échiquier de leur vie, sont malheureusement préparés et conditionnés à vivre là où on s’attend à les voir finir. C’est-à-dire, dans la rue. Nous pouvons faire mieux en tant que société, nous devons faire mieux en tant qu’humains. Je l’ai dit et je le répète, ces enfants méritent mieux que la réponse actuelle de l’État à leur égard. Ce ne sont que des jeunes dont le talent est inexploré, dont le potentiel nous est inconnu et dont bien des rêves se sont éteints. Aidons-les à avoir leur place dans nos vies, dans nos collectivités, en les intégrant, un geste à la fois. Aidons-les à rêver grand en leur ouvrant des portes grâce à des ressources suffisantes. Aidons-les en se dotant des moyens nécessaires pour les amener à s’envoler de leurs propres ailes pour ainsi réécrire leur trajectoire de vie et briser le mauvais sort qui les accompagnait jusqu’alors.

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