Jugé coupable, un contrevenant peut ou doit être sanctionné. Même si l’instance est conduite équitablement, une erreur reste possible. Dans un contexte de maladresse judiciaire, l’État peut annuler la condamnation et ordonner la reprise du procès. L’erreur judiciaire peut donc surgir dans les deux cas de figure.

Il est ironique de voir qu’une personne innocente puisse légalement être jugée coupable, alors que l’auteur d’un crime peut être relaxé. À la suite d’une très longue révision du procès initial – amorcée par la ministre Wilson-Raybould et achevée par le ministre (fédéral) de la Justice David Lametti –, l’ex-juge Jacques Delisle devra avoir un second procès à l’automne.

Toute forme d’erreur judiciaire entretient l’injustice. Cette situation n’est pas exclusivement attribuable à une maladresse humaine. C’est souvent une combinaison aléatoire de circonstances.

Afin de produire un résultat juste, notre justice procédurale imparfaite est administrée par une magistrature indépendante. À regret, on ne peut jamais y parvenir en toute sécurité.

Il y a une vingtaine d’années, la Cour suprême (USA c. Burns) a fait une désolante observation. La découverte incessante d’erreurs judiciaires dans les affaires de meurtre fait tragiquement ressortir la faillibilité du système de justice, malgré des garanties procédurales étendues visant à protéger les innocents. Force est de reconnaître qu’un procès équitable ne garantit jamais un verdict sûr.

Sous l’angle de la protection des innocents ou du châtiment des coupables, les inquiétudes causées par les déclarations de culpabilité erronées ne sauraient être assoupies par le progrès de la science.

Notre mode accusatoire de justice confie aux parties (poursuivant et accusé) la responsabilité d’établir la vérité. Oscar Wilde estimait que la vérité pure et simple est très rarement pure et jamais simple. En vrai, on ne s’intéresse pas vraiment à la vérité pure, mais plutôt à la bonne façon de s’en approcher. D’où l’exigence minimale que la conduite du procès soit équitable.

Opinion publique

Face au fléau de l’erreur judiciaire, comment réagit l’opinion publique ? La justice pénale inspire souvent de bonnes histoires médiatiques. Le prononcé d’un verdict permet aux médias de passer de l’étape des allégations, de l’évaluation des preuves et du débat d’audience à celle d’une belle assurance sur la responsabilité de l’accusé.

Cette pause cruciale permet aux journalistes de proposer une certitude : l’accusé a violé la loi. Cela permet aussi d’explorer la motivation, le caractère et la personnalité du défendeur, ainsi que la déveine subie par les victimes (directes ou collatérales).

Le concept de culpabilité étant un assemblage juridique, la recherche de vérité n’est pas l’objectif primaire, nonobstant son importance évidente lors de l’enquête policière et des débats d’audience. La logique « grand public » diffère de celle des intervenants en toge.

Dans la foulée d’un verdict de culpabilité, les journalistes considèrent les motifs et les conclusions du tribunal d’instance comme une vérité implantée. Par conséquent, tout jugement de culpabilité équivaut à une acceptation factuelle de responsabilité.

Par contre, à la suite d’une révision judiciaire ou ministérielle, l’annulation d’un jugement de culpabilité n’équivaut jamais à une reconnaissance d’innocence. Il s’agit plutôt d’une résurgence de la présomption d’innocence.

Retouche du processus de révision

Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, s’intéresse à la création d’un organisme indépendant ayant vocation de réviser les dossiers contaminés par un déni de justice. Le système actuel de révision est administré par des mandataires choisis par le ministère de la Justice.

Le bilan canadien semble déficient : pendant une quarantaine d’années, 29 cas seulement furent soumis aux tribunaux, soit moins d’un dossier annuellement. À titre comparatif, plus nombreux, les Britanniques saisissent annuellement leurs tribunaux d’une trentaine de cas d’injustice apparente.

Réparation

En 1988, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice ont adopté des lignes directrices d’indemnisation des personnes injustement condamnées et emprisonnées. Ce guide vise à mettre en œuvre les obligations internationales du Canada en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies.

Cet instrument juridique international précise qu’une condamnation pénale définitive – ultérieurement annulée parce qu’un fait nouveau prouve qu’il s’est produit une erreur judiciaire – oblige l’État à indemniser la personne emprisonnée, conformément à la loi.

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Il est prématuré et spéculatif pour Jacques Delisle de se préoccuper de réparation matérielle. Il lui faut passer l’épreuve d’un second procès. À cet égard, l’intérêt public n’exige aucunement la reprise intégrale de l’instance. Vu la longue période d’incarcération déjà subie, les procureurs pourraient raisonnablement proposer au tribunal une fin équitable à ce pénible chemin de croix.

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