Le 18 février 2021, le ministre de la Justice du Canada, David Lametti, a déposé le projet de loi C-22 à la Chambre des communes, projet visant notamment à limiter la criminalisation des consommateurs de drogues illégales en modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Si ce projet était adopté, la loi mentionnerait désormais que la consommation de drogues doit être traitée comme un enjeu de santé publique et que « l’infliction de sanction pénale pour la possession de drogues à des fins de consommation personnelle peut accroître la stigmatisation liée à la consommation de drogues et est incompatible avec les données probantes établies en matière de santé publique ».

Les modifications proposées encadreraient l’exercice du pouvoir discrétionnaire des agents de la paix et des procureurs afin que des arrestations ou des poursuites pour possession simple de drogues ne soient indiquées que lorsque nécessaires pour protéger la sécurité publique.

Autrement, on pourrait par exemple rediriger l’individu vers un tribunal de traitement de la toxicomanie ou simplement ne pas judiciariser son dossier.

Ce projet représente une grande avancée dans la lutte contre la crise des surdoses d’opioïdes qui a malheureusement causé plus de 17 600 décès au Canada depuis janvier 2016. Les experts en santé publique exposent depuis belle lurette de quelle façon la criminalisation de la possession a des effets pervers chez les consommateurs : réticence à contacter les services d’urgence en cas de surdose, réticence à utiliser du matériel d’injection stérile, précipitation dangereuse des injections lorsque pratiquées publiquement, accroissement des maladies transmissibles par le sang telles que le VIH ou l’hépatite C en milieu carcéral, augmentation des risques de décès par surdose dans les jours suivant la libération d’un détenu toxicomane, stigmatisation susceptible de nuire à la sensibilisation ou à la sollicitation de services d’aide et plus encore.

Réduction des méfaits

Il s’agit d’un autre pas vers un nouveau paradigme de réduction des méfaits où la santé publique prime sur la répression comme moyen de réduire la consommation des drogues et de s’assurer que celle qui subsiste soit raisonnable et sécuritaire.

Le Portugal, qui a décriminalisé la possession simple de toutes les drogues sur son territoire en 2001, est aujourd’hui un exemple de réussite à l’international en matière de taux de surdoses et de transmission du VIH.

Les ressources financières sont utilisées à meilleur escient lorsqu’elles sont redirigées vers des programmes de traitement de la toxicomanie, de traitement de substitution à la méthadone, de distribution de matériel d’injection et de distribution de kit de naloxone pour prévenir les surdoses mortelles.

Le Canada a tout avantage à adopter ce modèle, d’autant plus que le Service des poursuites pénales du Canada émettait déjà en août dernier des lignes directrices à ses procureurs de limiter l’utilisation des poursuites pénales à l’égard des contrevenants pris en possession illégale de drogues.

Reste maintenant à voir si cette initiative législative sera en mesure d’être adoptée. On sait que le Nouveau Parti démocratique et le Parti vert sont en faveur de la décriminalisation des drogues alors que le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a exprimé être ouvert à des réformes en ce sens. En fin de compte, c’est l’ensemble de la population canadienne qui bénéficierait de cette approche dont les succès ont été démontrés scientifiquement.

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