Alors qu’un rapport accablant faisant état d’une gestion déficiente de son équipe, la gouverneure générale, une femme éminemment brillante, est forcée de démissionner. Comment expliquer ce cafouillage ? Plusieurs pistes sont possibles, mais toutes pointent du côté d’une nomination prestigieuse, mais d’un travail bâclé.

Il nous semble évident qu’une approche plus rigoureuse aurait pu permettre d’éviter un tel gâchis. La première étape est de simplement s’interroger sur les compétences et la personnalité requise pour avoir du succès dans la fonction pour laquelle on recrute. Cela demande d’aller au-delà des apparences et de comprendre réellement les tâches inhérentes à la fonction.

Il faut donc partir du travail quotidien dans le poste et parfois refaire le traditionnel profil du poste qui peut souvent être fort incomplet. Il faut aussi considérer les défis de l’organisation, sa mission et sa culture. Il est important de compléter cet exercice avant de commencer à considérer des candidatures, sans quoi l’exercice peut manquer gravement de rigueur.

Analyser les candidatures, faire ses devoirs

Trois éléments retiennent notre attention lorsque vient le temps d’analyser des candidatures pour un poste de cadre supérieur : les compétences, la personnalité et les résultats antérieurs. Analyser les compétences d’un candidat ne se fait pas en vase clos, il faut le faire uniquement en fonction des besoins de la fonction. Dans le cas des postes cadres, le leadership, les compétences stratégiques, managériales et interpersonnelles sont les plus importants. Plusieurs outils sont disponibles pour y arriver, mais souvent l’entrevue et les autres conversations entre le candidat et un interviewer compétent vont constituer la première étape. Par la suite, la psychométrie pourra infirmer ou confirmer l’évaluation du candidat.

La personnalité est aussi à prendre en considération. Il est clair que certains types de personnalité cadrent plus ou moins bien avec un poste de cadre.

Des outils d’analyse peuvent servir à en apprendre plus sur la personnalité d’un candidat. Mais il faudra auparavant comprendre quels types de personnalité peuvent convenir à l’organisation et au poste à pourvoir. Dans le cas d’une haute fonction protocolaire, certains traits de personnalité peuvent créer des incidents que l’on peut vouloir éviter. On peut penser qu’un individu dont le score sur l’amabilité est très élevé pourrait avoir une certaine difficulté à prendre des décisions nécessaires, mais fort impopulaires. Inversement, un score trop faible sur cette même dimension peut nuire au gestionnaire qui doit créer des alliances pour avoir du succès.

Les résultats antérieurs doivent aussi être scrutés. En effet, bien que des résultats antérieurs peuvent nous permettre de prédire une certaine performance sur des tâches et des défis similaires, le contexte organisationnel dans lequel ils ont été obtenus est aussi important. Il peut être facile d’obtenir de grands résultats de ventes si votre organisation vend actuellement des masques de protection contre la COVID-19 ou si votre organisation possède de loin le meilleur produit ou jouit d’un avantage concurrentiel important.

C’est aussi une réflexion sur les résultats antérieurs qui amène le recruteur avisé à valider comment un cadre s’est acquitté de ses fonctions, comment il était apprécié de ses subalternes, de ses supérieurs et des autres parties prenantes de l’organisation. Par exemple, un dirigeant peut avoir mené une organisation vers l’atteinte d’un volume de ventes impressionnant, mais ce faisant s’être mis à dos l’ensemble de son équipe de gestion ou avoir grandement diminué la profitabilité de l’organisation. C’est là qu’interviennent des conversations importantes avec des gens qui ont travaillé de près avec le ou la candidate. Ces rencontres délicates doivent être organisées et tenues selon les règles de l’art et de la loi, mais sont d’une grande utilité pour finaliser l’analyse d’une candidature à un poste de cadre.

Diminuer les erreurs de recrutement

Ce processus simple et efficace est souvent mis de côté face à des candidatures de prestige, des candidats connus ou devenus politiquement incontournables. Parfois, ces étapes sont escamotées soit parce qu’on a le sentiment de bien connaître le candidat, soit par excès de confiance dans sa capacité de choisir la bonne personne de façon intuitive.

Finalement, l’empressement, l’enthousiasme et l’excès de confiance sont les causes du manque essentiel de rigueur dans la sélection d’un dirigeant.

Ce genre d’erreur de recrutement est plus courante qu’on le pense. Que ce soit lors de la nomination du meilleur vendeur comme directeur des ventes, de l’ingénieure la plus brillante comme directrice de l’ingénierie ou de la nomination de cette personne gentille et humaine comme directrice des ressources humaines. Toutes ces situations sont susceptibles de présenter un haut risque d’erreur si elles ne sont pas accompagnées d’un processus rigoureux d’analyse des besoins et des candidatures.

Au final…

Une bonne analyse des compétences interpersonnelles de Julie Payette aurait probablement révélé qu’elle ne possédait pas ce qu’il faut pour avoir du succès dans un poste qui demande doigté et mesure.

L’analyse de la personnalité de Mme Payette aurait probablement révélé qu’elle est une battante qui ne fait pas de compromis et que son désir de performer ne convenait pas à une fonction protocolaire poussiéreuse d’une utilité discutable.

Une analyse de ses résultats antérieurs aurait probablement révélé des difficultés interpersonnelles notoires avec son équipe.

Les sélectionneurs de l’équipe Trudeau ont probablement pensé que le succès de Mme Payette dans des fonctions en apparence plus difficiles que celle de gouverneure générale et son parcours prestigieux lui garantiraient le succès dans ses tâches futures. Ce fut une erreur manifeste.

Alors, il y a lieu d’affirmer que, de toute évidence, cette nomination désastreuse aurait pu être évitée. Un peu de rigueur et d’expertise en recrutement autour du comité de nomination auraient amplement suffi.

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