Quand il est question d’envisager à quoi ressemblera le Québec d’après la pandémie, il semblerait que les préoccupations soient surtout d’ordre économique si on se fie aux paroles rapportées par le journaliste Hugo Pilon-Larose (« COVID-19 : que sera le Québec d’après ? »*). Or, selon nous, la priorité postpandémique devrait indéniablement être l’éducation. En effet, si nous aspirons à « bâtir en mieux » le Québec de demain, la première pierre de cette construction devrait impérativement être le rehaussement des infrastructures et des outils pédagogiques mis à la disposition des professionnels de l’éducation.

D’entrée de jeu, soyons francs : il y a un nombre désolant d’écoles qui ont un indice de vétusté élevé, à un point tel que des parents et des membres du personnel s’inquiètent de la qualité de l’eau et de l’air. Dans un Québec qui se veut un leader dans plusieurs domaines technologiques, c’est franchement inacceptable, voire gênant. Investir massivement dans les infrastructures scolaires, c’est donner de l’importance à l’institution qu’est l’école et démontrer aux élèves et à leurs parents non seulement qu'il est important de fréquenter l’école, mais aussi que l’État ne lésine pas sur les moyens lorsqu’il est question de scolariser adéquatement les enfants.

Or, à l’heure actuelle, notre discours est incohérent : nous avons depuis longtemps adopté une loi obligeant la fréquentation scolaire, mis de l’avant une pléthore d’initiatives promouvant la persévérance scolaire, mais nos écoles tombent pratiquement en ruine ! Trouvez l’erreur ! S’il est vraiment « temps de réinvestir dans nos services publics », commençons par rénover nos écoles vétustes et construisons-en de nouvelles dignes du XXIe siècle pour faire face non seulement à l’augmentation de nos effectifs scolaires, mais aussi aux attentes de plus en plus élevées de la société moderne…

Nous pourrons ainsi offrir des services éducatifs dignes de nos ambitions grâce à des infrastructures de qualité où nos élèves et ceux travaillant à leurs côtés seront en sécurité, pour profiter des conditions propices pour apprendre ou enseigner.

Par ailleurs, pour arriver à « voir le développement économique à travers le prisme de la fierté et de la solidarité », ne faut-il pas inévitablement passer par l’édification de très hautes attentes relatives à notre système d’éducation ? À cet égard, rappelons la noblesse de l’éducation qui consiste à redonner à plus grand que soi pour voir au développement et à l’actualisation de son prochain. Nous ne pouvons parler de citoyens du monde, d’économie circulaire, de nationalisme ou de solidarité sans d’abord éduquer nos jeunes à ces valeurs durant leur parcours scolaire, et ce, dans des contextes authentiques reflétant, justement, des idéaux comme le leadership et l’esprit d’entrepreneuriat.

Fractures numériques

Enfin, si « la crise a mis en évidence des failles dans notre société », elle en a certainement révélé plusieurs dans notre système d’éducation, notamment en ce qui a trait à l’iniquité. À l’aube de 2021, la question de l’accès au numérique comme levier pour un enseignement de qualité, même à distance, aurait dû être réglée depuis longtemps. Aucune raison ne justifie qu’après 10 mois de crise, des centaines, voire des milliers de foyers n’aient toujours pas accès à un portable et à un réseau sans fil de qualité, susceptible de permettre à tous les enfants québécois de continuer à apprendre à distance.

Aucune raison ne justifie que les enseignants de tous les ordres d’enseignement n’aient pas été mieux formés au cours de la dernière décennie pour intégrer le numérique dans leur enseignement alors que la société québécoise est un pilier en matière de technologie, notamment en matière d’intelligence artificielle.

Heureusement, durant ces derniers mois, nous avons été témoins d’immenses progrès quant au développement de la technocompétence chez les enseignants de partout au Québec. Misons sur cet élan sans précédent pour aller de l’avant !

Bien sûr, nous avons toutes les excuses du monde : personne ne pouvait prévoir un chambardement aussi majeur dans nos habitudes de vie, sans oublier les nombreux défis déjà existants liés, entre autres, à la défavorisation, à l’hétérogénéité des régions et aux besoins particuliers d’un nombre appréciable d’élèves. Cependant, pour venir à bout de tous ces écueils, ce qui importe pour l’après-COVID en éducation, c’est une combinaison d’ingrédients qui n’ont absolument rien de magique : un leadership scolaire et pédagogique audacieux, voire courageux, et des ressources qui donnent des moyens aux ambitions des éducateurs à pied d’œuvre dans nos écoles. Parce que l’éducation au Québec devrait davantage être liée à la richesse qu’à la pauvreté, à l’initiative qu’à la quémande…

En conclusion, aux questions « De quoi la société a-t-elle le plus besoin, et comment puis-je y contribuer ? », force est d’admettre que les clés de cette mobilisation sociale se trouvent dans nos écoles ; ces mêmes écoles se trouvant au cœur d’une société en mouvance à l’intérieur de laquelle les élèves et les étudiants de tous les ordres d’enseignement ne demandent qu’à se reconnaître dans leurs milieux respectifs pour mieux déployer leurs ailes sous les gestes bienveillants de tous ceux qui les accompagnent quotidiennement.

À la lumière de ces considérations, nous exhortons notre gouvernement, comme ceux qui lui succèderont, de déclarer l’éducation comme étant LA priorité nationale, avec ce que cela implique : l’accès à des ressources humaines, matérielles et financières, octroyées et gérées grâce à un leadership mobilisateur dont la perspective sera de transformer l’éducation québécoise.

Lisez le dossier d'Hugo Pilon-Larose

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