La crise sanitaire et les confinements que nous avons vécus nous ont fourni l’occasion de réfléchir à ce qui était le plus important dans notre vie quotidienne : famille, amis, travail, sport, cuisine, lecture, puzzles ?

Eh bien, au risque de vous surprendre, rien de tout cela. C’est le remarquable David Suzuki qui m’a ouvert les yeux lors d’un webinaire organisé par l’Ambassade de France à l’occasion du 5e anniversaire de l’accord de Paris sur le climat. C’est pourtant évident, la chose la plus importante de notre vie, c’est l’air que nous respirons. Suivie de près par l’eau que nous buvons. Sans air ni eau, adieu travail, famille et puzzles !

En France et au Canada, la plupart des gens ont tendance, comme moi, à tenir ces choses pour acquises. Mais c’est en réalité un privilège que de pouvoir, chaque matin au réveil, aspirer une grande goulée d’air pur en bâillant tout en remplissant sa cafetière d’eau potable. Et ce sera de plus en plus rare !

En effet, les nouvelles sont chaque jour plus alarmantes. Si de salutaires politiques locales de préservation de la nature voient le jour, la tendance générale est mauvaise.

Le terme de « sixième extinction de masse » (qui n’aurait, contrairement aux cinq précédentes, plus grand-chose de naturel) se popularise.

Les maladies d’origine animale telles la COVID-19 ou le SRAS se développent et se répandent à une fréquence inquiétante. Le grand public commence à réaliser l’ampleur des ravages du réchauffement de la planète, de l’agriculture intensive, de l’urbanisation incontrôlée et de la déforestation. Le Canada a lancé le projet colossal de replanter 2 milliards d’arbres en 10 ans. Mais plus au sud, ce sont de 3,5 à 7 milliards d’arbres qui sont abattus chaque année dans les seules forêts tropicales, alors même que l’on sait aujourd’hui que les solutions fondées sur la nature pourraient compenser jusqu’à un tiers du réchauffement climatique. Comme la plupart des défis d’aujourd’hui, l’enjeu est planétaire et nos destins sont liés. Nous devons agir vite, et ensemble. Mais comment ?

Comme dans le domaine climatique, la préservation de la biodiversité sur le plan international s’appuie sur différents outils. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui s’est réunie à Paris en mai 2019, nous fournit une image claire de la situation et des scénarios pour l’avenir, basés sur des données du monde entier. Sur le même modèle que les COP pour le climat, il existe des « COP biodiversité » lors desquelles les dirigeants se réunissent pour s’accorder sur des objectifs communs. 2021 sera une année charnière, puisque des cibles internationales de protection de la nature seront établies pour les 10 prochaines années lors de la COP15 qui se tiendra en Chine en novembre.

Nous devons être prêts. Les COP sont en théorie l’affaire des gouvernements, mais on sait bien que ceux-ci ont tendance à se montrer timides pour innover, surtout sur des sujets qui ne rencontrent pas une forte mobilisation auprès de leur population.

C’est la raison pour laquelle la France organise aujourd’hui-même un One Planet Summit* virtuel consacré à la biodiversité, qui rassemblera en public et en direct la société civile, le secteur privé et les dirigeants de toutes latitudes, afin de démarrer l’année sous le signe de l’ambition et d’envoyer un message fort au travers d’engagements concrets pris par tous les acteurs, chacun à leur niveau.

Nos moyens d’action sont multiples, nous n’avons que l’embarras du choix. Faire en sorte que les investisseurs se montrent transparents sur l’impact de leurs décisions sur la nature, avec un système de bonus/malus. Soutenir les communautés locales et autochtones partout dans le monde afin d’aider au développement durable et à la préservation des milieux, tout en prenant des mesures chez soi pour lutter contre la déforestation importée. Financer le verdissement des régions vulnérables, tel le projet de Grande muraille verte dans le sud du Sahel. Préserver nos milieux naturels, sur le modèle de la France et du Canada, qui disposent respectivement de la deuxième zone économique exclusive maritime et du deuxième plus grand territoire au monde, et protègeront 30 % de leurs aires marines et 30 % de leurs aires terrestres d’ici 2030… La liste est infinie.

Nos milieux naturels ont payé pour notre développement et notre confort, à nous désormais d’agir en préservant la poule aux œufs d’or plutôt que de la sacrifier (et nous avec).

Alors en 2021, ma bonne résolution c’est de prendre de la hauteur et de me rappeler que, pour paraphraser Richard Powers, la Terre, ce n’est pas notre monde avec des arbres. C’est un monde d’arbres, où les êtres humains sont les nouveaux arrivants. Alors sachons nous comporter en bons voisins !

* Consultez le site du One Planet Summit

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