Le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, a annoncé des sommes de quelque 40 millions de dollars pour favoriser l’émergence d’initiatives universitaires et privées en médecine personnalisée au Québec.

Alors que cette approche figure depuis des années dans l’arsenal médical, principalement en oncologie, elle s’insère difficilement au Québec, en proie aux restrictions chroniques de développement du système de santé. Et puisque la COVID-19 s’est invitée dans nos vies, elle a aussi sapé la plupart des ressources des hôpitaux et a primé, voire trôné, comme axe de développement depuis deux ans. La COVID-19 accentue donc des retards qui étaient déjà présents.

En oncologie, l’absence de développement en capacité diagnostique et en approbation de thérapies novatrices est criante. Le Québec souffre d’un retard significatif pour identifier des caractéristiques des tumeurs ou des patients qui ouvrent la porte à des thérapies ciblées plus efficaces et généralement moins toxiques. Pas de test, pas de traitement adapté, personnalisé. La relation est directe.

Comme le dit bien l’adage, et c’est encore plus vrai quand on parle de l’application des connaissances médicales, qui n’avance pas recule. C’est le sentiment de bien des médecins québécois qui ont perdu le sentiment de proposer le mieux de ce que la science permettrait d’offrir.

Il a été prouvé par de nombreuses études que les patients ont une meilleure survie lorsqu’ils profitent de tests pour personnaliser leur traitement. Il faut agir sur de tels constats.

La médecine personnalisée coûte cher

Alors que la notion de primauté de la science a englobé le discours public depuis que la COVID-19 a émergé et que des restrictions sociales ont été imposées secondairement, elle est laissée pour compte pour bien des pans de la médecine québécoise autres que les soins aux patients atteints de la COVID-19.

Parce que la médecine personnalisée coûte cher. On délaisse le concept d’UN traitement qui offre un avantage pour la MAJORITÉ des patients, à DES traitements qui ont le plus de chances de procurer une efficacité pour CHAQUE patient.

Identifier les particularités de chaque tumeur demande des efforts diagnostiques en biologie moléculaire pour trouver les gènes anormaux, pour comprendre le lien entre l’expression de divers gènes, pour prédire et suivre l’hétérogénéité des cellules cancéreuses en cours de maladie.

Le changement fait appel à de nouveaux paradigmes. La médecine et les autorités de la santé ont basé l’acceptation de nouvelles thérapies sur des études de phase III, comparatives, impliquant des multitudes de patients présentant la même pathologie. En contexte de médecine personnalisée, les grands ensembles disparaissent. Chaque individu possède des caractéristiques génétiques propres et chaque cancer se distingue d’un autre par son expression génique spécifique.

Il devient alors plus difficile, voire parfois impossible, de conduire des études de phase III demandant l’inclusion de multiples participants pour obtenir une preuve statistique suffisante.

Que fait-on alors ?

On doit accepter, parfois, une preuve moins importante, parce que le bénéfice attendu semble être tellement notable que d’en priver un individu malade s’oppose aux notions les plus basales de morale. Mais on doit aussi s’astreindre à répertorier tous les patients qui ont des conditions similaires et à revoir, après le fait, si les décisions prises ont été les bonnes.

Ainsi, la médecine personnalisée, pour être efficace, exige, assez étrangement, de pouvoir référer à l’expérience collective. Et à cet égard, le Québec fait aussi figure de mauvais élève, avec des données incomplètes et une absence de cohésion pour accumuler des données pertinentes.

Admission d’ailleurs faite par le ministre de la Santé, Christian Dubé, avec son intention de favoriser la circulation et l’interprétation de données.

L’excellence

En novembre 2021, Statistique Canada publiait son rapport annuel sur le cancer. On y apprenait que 43 % de la population aura au cours de sa vie un diagnostic de cancer et que 25 % mourront de cette pathologie. Mais le Québec sait bien peu ce qui arrive de ses cancéreux. Ce rapport indique que le Québec ne fournit pas ses données depuis 2011, soit bien avant l’ère COVID-19… Mauvaise façon de se distinguer.

Sous l’ex-ministre de la Santé Philippe Couillard, le Québec s’est doté d’un organisme, l’INESS (Institut national d’excellence en santé et en services sociaux). Il importe de retenir le terme « excellence ». Cela oblige à viser l’innovation, à revoir les idées préconçues, à suggérer les voies pour que le Québec sorte de son marasme en santé. J’oserais suggérer que de comprendre ce que l’on fait mal devrait mener à des orientations pour faire mieux. En pandémie de COVID-19 comme en épidémie de cancer.

« Il n’y a pas de substitut à l’excellence. Pas même le succès […]. » Cette citation de Thomas Boswell, journaliste et écrivain, particulièrement influencé par les exploits sportifs, nous ramène à la fonction du système de santé. Ajouter de la vie, de la santé à la vie, du bien-être à la santé. Il faut ajouter « pour chacun » à cette maxime qui a servi de fondement à la création de notre système de santé public.

Il n’y a pas de succès de notre réseau public tant que la personnalisation ne quitte pas les intentions politiques, que le financement suivra les intentions, que les gens en place pour offrir des soins sentiront leur capacité de demander des diagnostics et des options thérapeutiques adaptés à la science en évolution, pour exceller.

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