Là-bas, le 51e parallèle se dresse humblement, comme une grande porte toujours ouverte. Nul besoin de verrou dans l’immensité de ce royaume, celui des épinettes noires, des mélèzes et de la roche.

En cette fin d’automne, l’hiver y est déjà bien ancré, comme s’il faisait fi des conventions, comme si le calendrier grégorien était caduc en ces terres, parce que l’arbre ne pense pas comme les hommes, simplement. La souche du sapin est ensevelie pour au moins les cinq prochains mois. C’est à la cime que revient le fardeau d’affronter les grands vents, de supporter l’épaisse couche de neige, le poids souvent fatal du verglas.

La faune se transforme. Le lièvre blanchit pour tromper le renard, en vain. Les mésanges, ces troubadours du froid, se gonflent pour se réchauffer, arpentant les bois toute l’année durant, se rapprochant de nous lorsque la blancheur s’installe, espérant quelques grains portés à nos mains frileuses.

L’ours s’encabane dans ses appartements. Comme un faiseur d’asphalte, il ne reprendra son travail que lorsqu’il le pourra, alors que la faim le sortira abruptement de sa cachette.

Nous portons cette flore et cette faune en nous, chacun à notre manière, farouchement et cruellement parfois, comme la nature peut l’être.

Il n’existe peut-être pas de vérité ici bas (et c’est tant mieux), mais il y a de ces certitudes plutôt rassurantes, bienveillantes, dont une qui devrait nous réjouir : lorsque l’hiver arrive, c’est l’occasion d’ouvrir grand nos yeux, de sentir le froid sur notre peau, de chauffer maison, nos pieds qui dégèlent, nos joues qui parlent à l’autre, elles témoignent d’où nous venons.

Un adage contemporain dit : « Un Québécois est un Français qui a passé à travers 400 hivers. » Je n’aime pas la formule, elle manque de goût, n’est-ce pas ? Il serait temps de nous dire que nous sommes une race de gens un peu plus originale. Pourquoi ne serions-nous pas « ce peuple qui n’attend pas le printemps. Ces gens qui, comme les mésanges, dansent follement avec le froid » !

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