À titre de directrice d’école en milieu défavorisé pendant plus de six ans, j’ai été confrontée à de très nombreuses problématiques me sortant du cadre pédagogique dans lequel j’avais été invitée à m’impliquer : pauvreté, violence familiale, abandon scolaire, détresse psychologique… mais je n’ai pas vécu la pandémie à l’école qui s’est ajoutée ces dernières années à la réalité sociale de mes collègues.

Comme vice-présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES), j’ai aussi eu à accompagner plusieurs collègues aux prises avec des difficultés organisationnelles et sociales pour lesquelles ils n’avaient pas été formés.

Depuis 18 mois, les directions d’école tiennent à bout de bras la survie de l’éducation des enfants et l’accompagnement des enseignants.

Elles ont tout au long des derniers mois dû gérer l’ouverture et la fermeture des classes, sinon de leur milieu, l’accompagnement de professeurs peu familiers avec les communications internet et encore moins avec l’enseignement à distance.

Mais bon, cela faisait partie du rôle de l’école d’assurer le continuum pédagogique, de s’assurer que chaque enfant reçoive l’enseignement qui lui est dû, que chaque prof soit en mesure de l’accompagner, d’être rapidement formé à cette nouvelle technologie afin de ne pas perdre un enfant, de s’assurer de ses progrès scolaires, mais aussi de son équilibre émotif.

Une direction d’école, c’est le grand ténor, celui qui doit veiller à ce que la tâche éducative soit bien accomplie, que son équipe de profs reçoit tout l’accompagnement nécessaire. Ce grand timonier doit soutenir ses profs et tout son personnel dans ce qu’il y a de plus beau, soit équiper son monde pour que chaque enfant reçoive ce pour quoi il est à l’école, c’est-à-dire apprendre (instruire, socialiser et qualifier). La raison d’être de l’école…

Un rôle élargi

Depuis 18 mois, le rôle de l’école et de la direction d’école s’est élargi. Elles ont prêté main-forte à la Santé publique : fermeture de classes, tests de détection rapides dans certains milieux, appels aux parents, lettres d’information, traçage des cas de COVID-19. C’était un mal nécessaire, il fallait maintenir les écoles ouvertes, faciliter l’apprentissage, permettre aux enfants de vivre une vie normale avec la réalité scolaire, apprendre. Supporter l’anxiété du personnel, des parents, des enfants. Rassurer, fournir l’équipement de protection nécessaire, convaincre les parents inquiets de la nécessité de la fréquentation scolaire… Défi relevé ! Bravo !

Mais ce qui s’en vient m’inquiète grandement. Car comme si ça allait de soi, on a décidé d’élargir la contribution de l’école sous prétexte que tous les enfants sont rassemblés dans ce même milieu.

Les directions d’école n’ont pas à porter ce nouveau poids social. Gérer les lettres aux parents, courir les autorisations de vaccination, répondre aux nombreuses questions et anxiétés ou colères des parents, se buter aux récalcitrants et aux opposants, devoir gérer les différends, noliser des autobus scolaires pour le transport des élèves à la vaccination, composer avec des classes réduites pour ceux dont les parents refusent la vaccination et ceux qui devront prendre l’autobus, organiser la surveillance de tout ce petit monde, accepter ou non les parents dans l’école ou dans l’autobus scolaire… et j’en oublie.

Les directions n’ont pas à gérer les débats sur les pour ou les contre de la vaccination et à devenir les grands défenseurs d’une quelconque position. Ce n’est pas leur rôle et ça ne relève pas de leur domaine de compétence.

Et dans tout ce processus, quel est le soutien et l’accompagnement à la tâche éducative ? À l’apprentissage ? Mis à part qu’il s’agit d’un lieu physique où l’on retrouve tous les enfants réunis ? N’est-il pas mieux que les parents prennent rendez-vous dans un centre de vaccination avec leur enfant et l’accompagnent dans tout ce processus plutôt que d’attribuer à l’école un rôle de gérant de la vaccination ?

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