Le système de santé est malade, c’est vrai. Mais prétendre que les médecins de famille en sont responsables est faux. Plusieurs évènements parlent d’eux-mêmes. Les infirmières sont épuisées et quittent le système public. La demande pour de l’aide psychologique par les médecins au Programme d’aide aux médecins du Québec a explosé dans les dernières années. L’exode vers le privé des professionnels de la santé s’accélère.

Nous sommes médecins de famille et nous adorons notre profession.

Par contre, nous ne sommes pas prêts à bâcler notre travail pour permettre au gouvernement d’atteindre ses cibles comptables à des fins électorales. Plus votre médecin a de patients, moins il aura de temps avec vous, c’est ça la réalité.

Les médecins désirent faire partie de la solution, mais l’approche non collaborative du ministre de la Santé est contreproductive. Son discours dans les médias est insultant et démotivant pour les gens sur le terrain.

L’imposition de tâches supplémentaires et d’un horaire dicté par le gouvernement sera non seulement inefficace, mais également néfaste. Cette ingérence gouvernementale ainsi que le contrôle bureaucratique de la pratique médicale précipiteront les retraites et créeront un exode au privé, de la même façon que l’ont fait les heures supplémentaires obligatoires pour les infirmières.

Il est illusoire de penser que les médecins à eux seuls pourront répondre à la croissance de la demande de soins liée au vieillissement de la population.

D’autres solutions

La libération graduelle des médecins de leurs activités médicales prioritaires (obligation de faire un nombre d’heures à l’hôpital, au CHSLD, aux urgences), la couverture par le régime public du service d’autres professionnels tels que physiothérapeutes et psychologues, l’allègement des tâches administratives, la réduction du délai pour voir les spécialistes et les intervenants en santé mentale dans le réseau public doivent faire partie des solutions.

Malheureusement, le discours actuel a des répercussions sur la relève, ce qui amplifie le manque de ressources. Quatre cent vingt-cinq places ont été laissées vacantes depuis les dernières années, plus précisément depuis le début de l’ère de dénigrement des médecins de famille avec la présence du ministre de la Santé Gaétan Barrette. Dans une récente lettre ouverte, la Fédération médicale étudiante du Québec souligne que les deux principales raisons poussant les étudiants à bouder la médecine familiale au Québec étaient le discours négatif envers les médecins de famille et l’environnement de pratique contraignant qui y est associé.

Pourquoi poursuivre dans cette voie qui mènera inévitablement à une amplification de la pénurie de médecins de famille ?

Nous voyons de plus en plus de patients présentant des problèmes de santé mentale dans nos bureaux. Notre société qui prône l’hyperproductivité, au détriment d’un équilibre travail-famille, y contribue. Dans la plupart des couples, chacun travaille. Et plusieurs sont à bout de souffle.

Ce qu’on demande aux médecins, ce avec quoi on les menace, encourage cette hyperproductivité qui va à l’encontre de cet équilibre prôné par plusieurs comme un modèle d’avenir. La critique envers ceux qui n’en font pas assez vise principalement les femmes qui représentent 60 % des médecins de famille, mais également cette génération d’hommes qui veulent offrir à leurs enfants davantage que l’accomplissement professionnel comme exemple.

Selon nous, le choix de la productivité au détriment de la qualité des soins aura des répercussions qui ne seront probablement mises en lumière que trop tard, quand plusieurs auront quitté le bateau. Est-ce si difficile de travailler en collaboration avant que le bateau de la santé ne prenne encore plus l’eau ?

* Cosignataires, médecins dans diverses régions du Québec : Véronic Thibault, Terrebonne ; Annie Brochu, Québec ; Mélanie Lussier, Montréal ; Alix Dufresne, Montréal ; Karen Oulianine, Montréal ; Anne Pomerleau, Sherbrooke ; Caroline St-Pierre, Québec ; Patricia Bell, Terrebonne ; Jacobo Jaramillo, Montérégie-Est ; Sambou Dabo, Laval ; Marie-Pierre Dumas, Québec ; Julie Fréchette, Trois-Rivières ; Camille B. Forest, Lévis ; Annie Blais, La Tuque ; Chantal Brochu, Lévis ; Carine Paquet, Sherbrooke ; Frederique Bissonnette, Lévis ; Marie-France Rioux, Québec ; Laurent Vandycke, Longueuil ; Solène Charland, Terrebonne ; Jessica Risch, Varennes ; Audrey Bernard, Laval ; Chantal Charbonneau, La Sarre ; Kathy Poulin, Montréal ; Isabel Gonzales, Longueuil ; Dave Beauchemin, Sorel-Tracy ; Dany Beauchemin, Sorel-Tracy ; Geneviève Forest, Joliette ; Amélie St-Cyr Monaco, Saint-Eustache ; Isabelle Tanguay, Saint-Hyacinthe ; Émilie Pineault, Chicoutimi ; Annie Lacombe, Saint-Eustache ; Camille Boudreau, Montréal ; Yasmina Dadouchi, Montréal ; François Malouin, Saint-Eustache ; Serena Chiovitti, Laval ; Martine Jacques, Québec ; Sylvie Chateauvert ; Amy Fraser, Terrebonne ; Isabelle Tanguay, Saint-Hyacinthe ; Annie Demers, Montréal ; Serena Chiovitti, Laval ; Oumhani Toubal, Gatineau ; Michel Tran, Montréal ; Myriam Tardif-Harvey, Les Escoumins ; Manon Trudel, Chicoutimi ; Dominique Giguère, Trois-Rivières ; Guy Therrien, Saint-Eustache ; Luce De Grâce, Saint-Jean-sur-Richelieu ; Mélissa Tremblay, Chicoutimi ; Anne Hébert, Plessisville ; Cassandra Beauvais, Laval et Laurentides ; Maxime Vézina, Saint-Eustache ; Alexia Tardif, Québec ; Annick Emond, Port-Cartier ; Liliane Desgroseilliers, Sainte-Julie ; Charlotte Jacquemin, Montréal ; Chakib Detti, Montréal ; Anne-Marie Pelletier, Laval et Laurentides ; Jennifer Mitton, Gatineau ; Brigitte Bédard, Blainville ; Amélie Beaudin, Magog ; Chantal Valois, Laurentides ; Sophie Gervais, Matapédia ; Marie-Chantal Pouliot-Leclerc, Dolbeau-Mistassini ; Marie-Josée Hotte, Longueuil ; Nathalie Bourget, Saint-Henri ; Viviane Lamarre, Montréal ; Isabelle Martin, Gatineau ; Gabrielle Deslauriers, Châteauguay ; Stéphanie Perreault, Saint-Hilaire ; Diane Hébert, Québec ; Annie Pham, Montréal ; Sylvie Letovanec, Saint-Jean-sur-Richelieu ; Arminda Gjika, Montréal ; Marie-line Tousignant, Lévis ; Caroline Blanchet, Saguenay ; Laeticia Lam Shang Leen, Montréal ; Patricia Marchand, Trois-Rivières

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