Les auteurs s’adressent au gouvernement de François Legault.

Le gouvernement s’apprête à adopter une nouvelle loi visant à protéger le français au Québec. Si celle-ci part d’une bonne intention, elle ne s’attaque pas aux véritables causes du déclin du français. Pour mieux comprendre comment on peut avoir un réel impact sur le français, il faut regarder ce qui se passe actuellement chez les jeunes. En effet, la réalité des jeunes cohortes d’aujourd’hui sera celle du Québec de demain.

Aujourd’hui, une phrase sur trois dite par un jeune est en anglais. Les deux autres phrases sont prononcées dans un français pauvre, sans vocabulaire. Les jeunes ne peuvent écrire sans faire de fautes grossières, que leurs enseignants n’osent ou ne sont plus en mesure de corriger. Les jeunes ont du mal à exprimer une idée clairement, mais s’en soucient de moins en moins, encouragés en cela par les médias et la publicité dans une sorte de nouvelle normalité.

Ce constat semble exagéré et vous avez raison : il ne concerne probablement que 80 % des membres de notre génération.

Dans ce contexte, est-ce qu’il n’est jamais parvenu au raisonnement des décideurs publics qu’il est presque devenu surhumain pour un immigrant, pour un anglophone, de souhaiter se joindre à notre minorité francophone en Amérique et de participer à la vie collective en français ?

Pour que les immigrants puissent apprendre et pratiquer une langue, il leur faut une motivation. Or comment être motivé à parler une langue qui n’est pas aimée et encore moins entretenue par ses premiers locuteurs ?

C’est bien là l’enjeu principal, ignoré du gouvernement, celui qui pourrait nous permettre de continuer à parler français au Québec. Sans les nouveaux arrivants, sans les anglophones, nous n’arriverons pas à préserver le français, pas plus d’ailleurs que nous n’arriverons à survivre tout court. La population du Québec vieillit et ne se renouvelle plus. De la même façon que nous dépendons du reste du monde pour maintenir notre population, nous dépendons de l’attitude, du regard que portent sur nous les nouveaux venus et ceux qui ne parlent pas notre langue et du comportement qu’ils adopteront.

Le français ne survivra pas au Québec sans une masse critique francophone qui maîtrise, respecte et aime sa langue, et qui communique sa fierté aux nouveaux arrivants et aux anglophones. Toute loi qui tenterait de préserver le français au Québec sans qu’en parallèle soit mise en place une dynamique qui crée l’intérêt et la motivation pour la langue française ne pourra générer de résultats positifs, pas plus qu’un pansement ne peut guérir un membre gangréné.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Lecture d’un extrait de L'avalée des avalés par Maxime Denommée, Sophie Cadieux et Louise Marleau

Nous vous faisons quelques suggestions pour renverser la spirale destructrice dans laquelle se trouve le français au Québec :

– Utiliser les heures gagnées par l’abolition du cours d’ECR pour renforcer l’apprentissage du français. La maîtrise de la langue est le meilleur moyen de renforcer l’esprit critique, la fierté et l’estime de soi des Québécois.

– Donner le goût de la lecture dès le plus jeune âge par de courts textes, à lire à la maison avec leurs parents et à discuter en classe. Mobiliser les parents pour encourager la lecture et les sensibiliser à réduire le temps alloué à l’utilisation des téléphones portables et des réseaux sociaux.

– Au secondaire, ouvrir les horizons des Québécois par la lecture d’œuvres francophones hors Québec. Il n’y a pas de honte à lire des auteurs français qui sont à la racine de notre littérature nationale. Au cégep, cesser de donner à lire des romans écrits en joual, qui devraient rester une curiosité. Toutes les littératures du monde font une différence entre la langue parlée et la langue écrite, pourquoi en serait-il autrement au Québec ?

– Renforcer les rangs des enseignants en recrutant à l’étranger des professeurs francophones ou francophiles et maîtrisant le français. Renforçons aussi les compétences linguistiques du corps enseignant actuel.

– Réunir les médias parlés et écrits et poser la question de leur rôle pour donner envie aux francophones de bien parler leur langue et aux nouveaux arrivants de l’apprendre et la pratiquer. Donner un mandat de renforcement des capacités linguistiques à l’Office québécois de la langue française qui pourrait travailler avec les médias et les publicistes sur une base volontaire. Il est sûrement possible de préserver la qualité de la langue tout en entretenant une spécificité québécoise.

Sans de telles mesures, nous pensons que la réalité linguistique du Québec dans 20 ans aura beaucoup changé. Vous en serez témoin, Monsieur le Premier Ministre.

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