Les Canadiens auront dû attendre 63 jours après les élections fédérales du 20 septembre dernier avant que le Parlement du Canada reprenne ses travaux. Cette attente est de 38 % plus longue que la moyenne des fermetures parlementaires ayant suivi les quatre élections précédentes, soit 39 jours. Comment expliquer cet état des choses et qu’en penser ?

Bien que la fermeture prolongée de la législature post-élections soit légale et même justifiable, il n’en demeure pas moins qu’elle reste problématique sur les plans pratique et démocratique.

Une fermeture légale

Le délai proposé par le gouvernement libéral de Justin Trudeau pour la reprise des travaux parlementaires est tout à fait légal. Ni le règlement de la Chambre des communes ni celui du Sénat ne font mention du délai prescrit ou acceptable entre la date du scrutin et la réouverture du Parlement. Le pouvoir de convoquer le Parlement revient au gouverneur général du Canada en vertu de la Constitution. La convention constitutionnelle veut que ce pouvoir soit exercé sur recommandation du premier ministre. Trudeau détient donc une grande discrétion quant au choix du début de la nouvelle session parlementaire.

Seules deux limites au pouvoir discrétionnaire du premier ministre de convoquer la législature existent. D’une part, la Charte canadienne des droits et libertés prévoit que le Parlement doit tenir une séance au moins une fois tous les 12 mois. Le Parlement ayant été en session durant les mois ayant précédé les élections de 2021, Trudeau aurait bien pu attendre à 2022 avant de déclencher la reprise de ses travaux.

D’autre part, le premier ministre a le devoir de respecter les conventions constitutionnelles. Traditionnellement, les gouvernements respectent un certain échéancier pour la réouverture du Parlement.

Toutefois, il est arrivé à certains nouveaux gouvernements d’avoir une fermeture parlementaire prolongée post-élections. Ce fut notamment le cas du premier gouvernement conservateur de Stephen Harper qui, élu en 2006 après un règne libéral de 13 ans, a pris 70 jours pour rouvrir le Parlement. L’attente imposée par Trudeau n’est donc pas une exception, mais elle ne survient pas non plus après un changement de garde à Ottawa.

Une fermeture justifiable

Malgré les appels répétés de rouvrir le Parlement de la part des différents partis de l’opposition, le gouvernement Trudeau n’a pas révisé son plan d’action. Certaines circonstances conjoncturelles ont certes pu retarder la reprise des travaux parlementaires.

Par exemple, le nouveau cabinet ministériel n’a pas pu être nommé avant que la gouverneure générale Mary Simon revienne de son premier voyage officiel à l’étranger en Allemagne qui avait été prévu bien avant le déclenchement des élections. Ou peut-être que les nouvelles mesures pour lutter contre la pandémie, comme la preuve de vaccination standardisée, ont accaparé tout l’appareil gouvernemental !

Lorsque Trudeau a été questionné sur la fermeture prolongée de la législature, il a rétorqué qu’elle sera ouverte plus de jours en 2021 qu’en 2015 et 2019, soit les deux années électorales précédentes. Toutefois, il faut considérer que le Parlement du Canada aura siégé très peu au cours des deux dernières années en raison de la pandémie. Il aura fallu quelque temps avant que ne soient mis en place des protocoles adéquats pour le retour sécuritaire des parlementaires et que le calendrier législatif habituel soit observé.

Une fermeture problématique

Le délai de réouverture du Parlement est de toute évidence problématique sur le plan pratique. Plusieurs mesures d’aide contre les effets néfastes de la pandémie expireront durant la pause parlementaire et ne pourront être réactivées qu’après le retour en Chambre.

Par ailleurs, le pays est aux prises avec plusieurs problèmes de taille, comme l’inflation grandissante, et le Parlement a beaucoup de défis à relever pour assurer la prospérité de tous.

Après tout, les Canadiens se sont fait dire que des élections avancées l’été dernier étaient nécessaires pour planifier l’après-pandémie !

C’est sur le plan démocratique que l’arrêt des travaux de la législature est toutefois plus problématique. La raison d’être du Parlement est d’assurer un gouvernement responsable. L’exécutif doit rendre compte de ses actions aux représentants élus par le peuple. L’opposition a souvent bien du mal à obtenir cela d’un gouvernement majoritaire, mais cela change en situation minoritaire.

En renvoyant à Ottawa un gouvernement libéral minoritaire, les Canadiens ont voulu laisser entendre au gouvernement Trudeau qu’il n’avait pas carte blanche pour gérer la crise sanitaire et qu’il devait travailler avec les autres partis dans un contexte parlementaire.

Vivement la réouverture du Parlement du Canada !

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