Les changements climatiques et la révolution numérique sont probablement les deux plus grandes forces qui façonnent le monde où nous vivons aujourd’hui. Mais c’est à nous de décider si les technologies numériques serviront à résoudre ou à exacerber nos enjeux de durabilité.

En effet, le matériel de télédétection, les superordinateurs et l’intelligence artificielle nous aident à faire le suivi, l’analyse et la projection de données allant des émissions de carbone aux tendances en matière de déforestation en passant par les effets sur la biodiversité. De plus, selon le cadre intitulé Des perturbations numériques pour la durabilité, l’ère numérique crée des « possibilités systémiques favorables aux transformations sociales à grande échelle requises pour bâtir un monde juste et sans danger climatique ».

Lors d’un récent projet soutenu par la fondation ClimateWorks, des chercheurs de l’initiative Sustainability in the Digital Age (« durabilité à l’ère numérique ») et de Future Earth ont compilé une base de données de 200 programmes d’atténuation des changements climatiques axés sur le numérique. Ils ont démontré que ces outils pourraient favoriser un leadership politique et climatique fondé sur les données par la mobilisation des données à l’appui des décisions, l’optimisation numérique des stratégies actuelles, l’incitation aux changements comportementaux et leur automatisation, et l’amélioration de la participation et de l’autonomisation.

Cependant, nous savons que ces mêmes technologies numériques ont également des conséquences extrêmement négatives sur l’environnement et la société. Le recours à l’intelligence artificielle pour améliorer l’exploration, l’extraction et la production pétrolière et gazière ou pour nous pousser à un niveau de consommation non viable, ou encore la consolidation du pouvoir économique et politique entre les mains de l’élite numérique, constituent quelques exemples de ces conséquences.

Outre la façon dont elles sont utilisées, les technologies numériques comportent en elles-mêmes un coût environnemental. Selon des estimations de 2015, les technologies de l’information et des communications représentent près de 5 % de la demande énergétique mondiale. Cette proportion progresse rapidement, car énormément de travail se fait en ligne depuis la pandémie, un transfert irrévocable dans certains cas. Il est essentiel de réduire l’empreinte carbone des technologies informatiques du monde en accroissant l’utilisation sociétale des énergies renouvelables, en concevant des algorithmes écoénergétiques, en verdissant les centres de données et en adoptant une foule d’autres mesures d’optimisation.

Néanmoins, en cette décennie d’action, nous devons aussi tirer parti des capacités numériques pour contribuer à changer les normes, les règles, les dynamiques de pouvoir et les mentalités qui continuent de limiter notre action transformatrice pour la durabilité.

Dans les pays riches, les citoyens-électeurs désignent systématiquement l’action contre les changements climatiques comme une priorité urgente, même en temps de pandémie. Nous comptons sur nos gouvernements pour réglementer les secteurs (y compris celui des technologies) qui soulèvent des questions de santé, de sécurité et d’éthique. Or, nous devons inclure parmi ces questions les enjeux climatiques et environnementaux.

Deux grandes forces des technologies numériques, soit leur capacité à collecter des données et à les diffuser en temps réel, ont le pouvoir de transformer les dynamiques du marché pour favoriser la transparence et la mobilisation collective à l’échelle locale et mondiale. À l’instar des actionnaires activistes qui font pression sur les entreprises pour rendre écologiques leurs activités, accroître la transparence selon les principes FAIR et CARE lèverait le voile sur la façon dont les technologies numériques sont utilisées et l’intensité de cette utilisation, ce qui rehausserait l’obligation redditionnelle. Ainsi mieux informés, les citoyens pourraient reconnaître les tentatives d’écoblanchiment et inciter les fournisseurs de services – et, à terme, les entreprises du secteur financier et d’autres domaines – à choisir des cibles et des sources d’énergie meilleures pour la population et la planète.

PHOTO MICHAEL PROBST, ASSOCIATED PRESS

Éoliennes et centrale au charbon à Luetzerath, en Allemagne

Transparence est synonyme de responsabilité

Au lieu d’attendre que les gouvernements agissent de façon décisive, de grandes entreprises technologiques tentent déjà de réduire leur impact environnemental et aident leurs clients à en faire autant. Toutefois, la majorité des entreprises et des grandes organisations ne reconnaissent pas encore le rôle des nouvelles technologies dans l’accélération des dégâts causés à l’environnement de la planète ni la priorité d’agir pour le climat à l’intensité requise pour éviter des répercussions catastrophiques. Pendant ce temps, le climat se réchauffe et s’emballe. L’adoption de mesures incitatives et de règlements gouvernementaux pour la durabilité numérique ainsi que l’envoi de signaux clairs au sujet de l’élaboration de normes de surveillance, de présentation et de vérification des données produiront de meilleurs résultats en moins de temps.

Vu l’omniprésence des technologies numériques, les nouveaux cadres réglementaires doivent être fondés sur des preuves et mettre à contribution de multiples intervenants.

Les données ne manquent pas, mais pour concevoir ces nouvelles normes, nous devons d’abord nous entendre sur la façon d’évaluer la visée et les répercussions des technologies numériques et de leurs applications. La Coalition pour la durabilité de l’environnement numérique est bien placée pour amorcer ce travail en rassemblant les gouvernements, l’industrie, le milieu de la recherche et les groupes de citoyens.

Les technologies numériques ont déjà fait la preuve de leur pouvoir. Exploitées judicieusement, elles mettent entre nos mains le pouvoir de créer des économies plus vertes et inclusives.

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