Victoire ! Enfin ! Oui, enfin, s’il y a une bonne nouvelle avec l’abolition du cours d’Éthique et culture religieuse (ECR), c’est qu’on ne lira plus les inepties maintes fois rabâchées à son endroit, notamment sur sa compétence « culture religieuse ».

Voyez un peu ce qu’on n’entendra plus : « le cours ECR et sa face cachée : créateur de dissensions sociales, machine de propagande au service du multiculturalisme et de l’idéologie des accommodements raisonnables, générateur de confusion identitaire de la jeune génération, courroie de transmission d’une culture religieuse rigoriste et folklorique », et j’en passe.

Oui, le cours ECR aurait causé tout cela, alors qu’on enseignait la culture religieuse seulement quelques heures par année au primaire – si tant est qu’on le faisait ! –, la compétence éthique devant aussi être développée et prenant souvent plus de place en classe. Et pendant ces toutes petites heures, selon les anti-ECR, ces profs se seraient échinés à montrer à leurs élèves à « détester leur peuple » ?

Tout cela, oui, alors que pourtant, au secondaire, beaucoup d’écoles étaient loin de respecter le temps d’enseignement recommandé par le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) dans l’enseignement du cours ECR. Selon un article de Nancy Bouchard paru dans Le Devoir, dès 2016, près de la moitié des écoles (100 sur 211) avaient sensiblement réduit ce temps d’enseignement ; à Montréal, ce taux grimpait aux deux tiers. Elle ajoute : « Il semble aussi que des écoles placent officiellement ce cours à l’horaire, mais, dans les faits, lui substituent un autre cours. » Ainsi, combien des 250 heures proposées au secondaire étaient réellement consacrées à la « javellisation » de l’identité des élèves – dixit les anti-ECR ? 90, 80, 70 ? En cinq ans ?

Oui, à les croire, le cours ECR faisait tout cela, alors qu’en plus, tout porte à croire que la majorité des profs qui donnaient ce cours n’étaient pas formés en ECR. Eux aussi, avec le temps, d’après les pourfendeurs d’ECR, auraient donc profité de ce cours pour endoctriner leurs élèves « au relativisme fanatique » !

Tout cela alors que dans le même cours – le même cours ! –, les enseignants dûment formés travaillaient à développer la compétence éthique chez leurs élèves, c’est-à-dire qu’ils les instruisaient à développer leur esprit critique et leur autonomie de penser, à bien étayer leurs arguments, à éviter les sophismes, à distinguer le savoir de la croyance, à distinguer les mauvaises sources d’informations des bonnes, à pourfendre le radicalisme de tout acabit, à réprouver toutes formes de terrorisme, etc.

Mais, très rapidement, le cours ECR est devenu le bouc émissaire, le seul coupable de la soi-disant division des valeurs, l’adversaire de la culture commune et de la cohésion sociale, l’artisan du « repli sur soi identitaire ».

Nadia El-Mabrouk, anti-ECR notoire, demandait même il y a quelques jours : « Est-ce que vous voyez plus de cohésion sociale ? Est-ce que vous voyez une espèce de rassemblement dans des valeurs communes ? Moi, je ne vois pas ça, je vois de plus en plus de division » – laissant sous-entendre que c’est le cours qui est responsable de cette prétendue dislocation. Ainsi, ce seraient les quelque 1 340 000 personnes âgées de 8 à 31 ans, qui, « javellisées » par le cours ECR depuis 2008, porteraient la responsabilité de cet apparent manque de cohésion sociale au Québec ?

On cria alors haro sur le baudet, à bas le cours ECR ! « Rien que la mort n’était capable d’expier son forfait : on le lui fit bien voir. »

Culture et citoyenneté québécoise : le rédempteur

Et maintenant, ô miracle, avec l’annonce récente du ministre de l’Éducation de la création d’un « nouveau » cours : Culture et citoyenneté québécoise (CCQ), marqué par un prétendu « changement de paradigme », dixit Jean-François Roberge, le Québec retrouvera sa fierté nationale, rien de moins !

Pourtant, un des trois objectifs annoncés, éthique, dialogue et pensée critique, est un copié-collé de ce qui se faisait déjà avec le cours ECR par la compétence « Analyser une situation d’un point de vue éthique » !

Pourtant, déjà en ECR, la culture québécoise et ses valeurs étaient mises de l’avant, tant en éthique qu’en culture religieuse !

Ainsi, à part l’éviction de la culture religieuse du cours CCQ, on a l’impression d’assister à un repositionnement du cours ECR pour des raisons strictement politiques.

Et des questions importantes demeurent sans réponse : qui rédige le programme du cours CCQ ? Quelles sont leurs expertises ? Quels seront les compétences à développer et les éléments de contenu ? Comment évaluera-t-on la capacité à « pratiquer la citoyenneté québécoise » ou le sentiment de fierté nationale ? Le cours CCQ imposera-t-il une « identité québécoise » ? En quoi les valeurs d’égalité des genres, de liberté d’expression, dites québécoises, sont-elles différentes des valeurs des autres sociétés démocratiques du monde ? L’approche moralisante côtoiera-t-elle le développement de la pensée critique ? Le cours se donnera-t-il dans les mêmes conditions que celui d’ECR – non-respect du temps d’enseignement recommandé ? Dès lors, le ministère de l’Éducation s’assurera-t-il que l’ensemble des écoles et leur direction respectent les heures devant être consacrées au nouveau programme ?

Enfin, pour conclure, n’oublions pas que le nouveau cours ne pourra pas tout faire ce qu’on attend de lui tout seul, sinon, il ne deviendra pas le Messie tant attendu et sera probablement, encore, mené au gibet.

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