Le ministre de la Famille a déposé des modifications importantes à la Loi sur les services de garde éducatifs et avancé un certain nombre de dispositions visant à faciliter la création de 37 000 nouvelles places. Le gouvernement pense que cela devrait, à terme, arriver à combler les besoins. Il faut le souhaiter. Ardemment.

Parmi les éléments avancés par le ministre de la Famille, la préoccupation manifestée quant au sort réservé aux enfants de familles vivant en milieu défavorisé retient particulièrement mon attention.

Ainsi, le gouvernement s’oblige dans cette nouvelle mouture de la Loi à lancer un appel de projets dans les six mois là où un manque de places est prévu. Cette disposition soustrait désormais la création plus rapide de nouvelles places aux interminables bras de fer avec le Conseil du trésor ou aux pressions de communautés mieux nanties et plus près des gouvernements. Il était grandement temps.

Et, conscient des écarts inacceptables d’accessibilité aux CPE entre les communautés défavorisées et favorisées, le gouvernement s’accorde de nouveaux pouvoirs, dont celui de permettre au ministre de prendre en charge la construction et la gestion de nouvelles installations si certaines communautés ne répondent pas ou peu aux appels de projets. Autrement dit, le gouvernement reconnaît que la mobilisation, l’expertise, la concertation requises pour créer de nouvelles installations ne sont pas au rendez-vous dans certaines communautés, précisément dans celles où la présence d’une installation de qualité viendrait répondre aux besoins des enfants les plus vulnérables. On retrouve en effet 2,5 fois moins de places en CPE dans les milieux les plus défavorisés que dans les milieux les plus favorisés (mémoire de la directrice de la Santé publique, 2021).

Le ministre se donne légitimement le pouvoir de corriger une approche participative qui, tout aussi souhaitable puisse-t-elle être, introduit depuis sans doute trop longtemps une malheureuse distorsion en défaveur des enfants de ces communautés.

Le gouvernement vient également imposer aux CPE et services subventionnés d’accorder préséance aux enfants vivant dans des contextes de vulnérabilité socio-économique dans leurs pratiques d’admission. Depuis le temps que l’on déplore la sous-représentation de ces enfants dans les services de garde éducatifs, on ne peut qu’applaudir à cette mesure. La littérature scientifique est unanime là-dessus : ce sont ces enfants qui profitent le plus de services de garde éducatifs de qualité, et cela, toute leur vie durant, y compris dès leur arrivée à l’école.

Cependant, faut-il en premier lieu qu’ils apparaissent sur la liste d’attente. La partie n’est pas gagnée. De très nombreux parents de ces enfants se sentent encore à la gêne ou ne voient pas l’intérêt d’y inscrire leur enfant pour de multiples raisons : désapprobation de leur environnement culturel, timidité ou méfiance envers les institutions « gouvernementales », manque d’information sur l’impact positif que peut en retirer leur enfant, impression fausse mais répandue que ces places sont réservées pour les enfants dont les parents occupent un emploi, tarifs encore trop prohibitifs pour leur maigre budget, transport inexistant vers le service. La priorisation de ces enfants sur la liste d’attente lève un des nombreux obstacles à leur sous-représentation. Mais un effort intensif et concerté de démarchage et de soutien, y compris financier, auprès de ces familles est absolument indispensable si on veut vraiment changer la donne.

Bref, ce gouvernement entend décoincer le réseau des services de garde éducatifs pour nos enfants qui en ont le plus besoin. Il faut saluer cela et souhaiter qu’il y consente tous les efforts requis.

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