Cette semaine se déroule la Semaine nationale de l’action communautaire autonome. C’est facile de regarder ailleurs quand l’iniquité ne nous regarde pas dans les yeux. Je le sais ; je le fais tout le temps.

Enfin, je donne à La guignolée quand elle le sollicite. Et je donne de mon temps quand ça adonne. Et surtout, je paie mes impôts, moi, monsieur ! N’est-ce pas ça, l’entente ? Nous versons une part de notre revenu pour la redistribuer là où besoin est, et on n’en parle plus.

Je vous avoue que je ne lis jamais les termes et conditions dans leur intégralité, alors il est possible qu’il me manque des bouts.

Ce que je sais sans l’ombre d’un doute, c’est que notre attention joue un rôle déterminant dans l’ordre des priorités des enjeux sociaux, et que, dans le marché de l’attention, la demande excède largement l’offre.

Portées par l’intérêt du public, quelques vagues parviennent momentanément à percuter le roc du statu quo assez fort pour l’éroder un tant soit peu. Celle réclamant justice pour les victimes de violences sexuelles est l’exemple d’actualité par excellence. D’autres vagues peinent à bâtir le momentum et s’échouent sans fracas, dans l’ombre des manchettes.

Et, pendant que notre attention papillonne au gré de l’actualité, il y a le mouvement d’action communautaire autonome (ACA) qui garde le cap vers une société plus juste. Ce sont 4000 organismes, 60 000 travailleuses et travailleurs et 425 000 bénévoles et militants qui s’affairent à réparer, renforcer et étendre les mailles de notre filet social.

Les systèmes de santé et d’éducation ont – à forte raison – retenu beaucoup l’attention depuis le début de la pandémie. Il est pourtant difficile de parler de la crise que nous traversons sans souligner à grands traits l’indispensable contribution du milieu communautaire.

Il faut dire que c’est difficile de donner à l’iniquité sociale un branding attrayant. On associe le communautaire surtout aux banques alimentaires et aux logos avec des mains dessus (sont-ils un prérequis pour obtenir du financement ? La question demeure entière).

Les organismes sont néanmoins un espace d’échanges, de réflexion et de mobilisation. Ils s’affairent à répondre aux besoins imminents, mais aussi à aller à la racine des problèmes sociaux pour avoir une vue d’ensemble sur la réalité québécoise.

Le mouvement effervescent que ces organismes constituent est nourri de l’espoir d’une société plus juste et galvanisé par chacune des victoires à son actif.

Sans le mouvement d’ACA, les voix les moins entendues dans notre société ne trouvent pas écho, et, de ce fait, nous échouons à construire une société digne de nos idéaux d’équité.

Dans son essai féministe De la marge au centre, publié en 1984, bell hooks explique que c’est en veillant d’abord au bien-être des personnes les plus marginalisées parmi nous que nous assurons des conditions équitables pour l’ensemble.

Mais quand on a le privilège de ne pas avoir besoin des services et du porte-voix du réseau communautaire, quand l’iniquité ne soutient pas notre regard, c’est facile de le détourner. Après tout, notre attention est déjà divisée en parts diaphanes.

En 2001, le gouvernement québécois a adopté unanimement une politique de reconnaissance du rôle essentiel des organismes communautaires. Vingt ans plus tard, alors qu’une crise sanitaire et sociale secoue toutes les infrastructures, reconnaître et remercier le réseau communautaire ne suffit pas. Nous avons intérêt à lui accorder enfin sa juste part d’attention… et de ressources.

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