Le contrôle des armes à feu et la surveillance policière sont essentiels pour lutter contre le crime dans la société, mais comme toute solution, ils peuvent atteindre un point de résultats décroissants. Les politiciens doivent faire preuve de créativité et trouver des solutions qui ciblent les communautés vulnérables, qui offrent des perspectives à tous et qui favorisent l’égalité dans la société.

La récente vague de fusillades à Montréal préoccupe de nombreux résidants, si bien que la question de la criminalité armée est devenue un enjeu électoral prioritaire de la course à la mairie. Denis Coderre a d’ailleurs attaqué l’actuelle mairesse, Valérie Plante, sur ce point, alors qu’elle-même a annoncé d’importants investissements visant à renforcer la surveillance policière1 et exhorté le gouvernement fédéral à interdire les armes de poing au pays2.

L’interdiction et le contrôle des armes à feu sont des mesures typiques au Canada en réponse à la hausse de la criminalité armée, car ces solutions concrètes captent l’attention du public. Elles rappellent les politiques instinctives de « tolérance zéro » empruntées aux États-Unis, notamment par l’ancien premier ministre Stephen Harper. Bien que ces politiques donnent aux candidats une image de rigueur, elles n’offrent pas la meilleure solution à long terme contre la criminalité et la violence dans les grandes villes. Elles épuisent par ailleurs nos précieuses ressources, qui pourraient être mieux exploitées dans des solutions durables pour contrer la criminalité et la violence au Canada.

En réalité, les lois fédérales rigoureuses en matière de contrôle des armes à feu ont atteint un point de résultats décroissants. En effet, la possession d’armes à feu est strictement réglementée au Canada. Nos lois en la matière sont si rigoureuses qu’elles obligent les criminels, et plus particulièrement les membres du crime organisé, à se rendre chez nos voisins du Sud pour se procurer des armes à feu. Le Canada partage la plus longue frontière non protégée au monde avec le pays possédant le plus grand nombre d’armes à feu détenues par des civils. Avec environ 120 armes à feu pour 100 résidants, on compte plus d’armes en circulation aux États-Unis qu’il y a d’habitants3. Si l’on ajoute à cela la menace croissante des armes à feu intraçables imprimées en 3D4, les mesures visant à empêcher les criminels d’obtenir des armes à feu illégales risquent de se complexifier grandement.

Dans le même ordre d’idées, les études portant sur la relation entre la présence policière et le taux de criminalité donnent des résultats mitigés5. Le renforcement de la surveillance policière n’est peut-être pas la meilleure solution au problème.

Le mouvement Black Lives Matter nous a appris que les communautés les plus touchées par le crime sont aussi celles où les relations avec les forces de l’ordre sont les plus tendues. Dans ce contexte, une augmentation de la présence policière, même bien intentionnée, peut avoir une incidence négative sur les communautés marginalisées ou racisées.

Quelle est la solution ?

À court terme, les villes devraient investir dans les stratégies d’éradication de la violence qui ont fait leurs preuves dans plusieurs villes américaines. À titre d’exemple, le modèle Cure Violence6 fait appel à des personnes-ressources et à des membres de la communauté qui interviennent directement dans les zones à risque pour briser le cycle des représailles entre les gangs de rue. Les études ont révélé que la violence liée aux armes à feu se concentre souvent dans des quartiers bien précis et autour de quelques individus ou groupes de personnes. Les programmes d’éradication de la violence ciblent ces groupes grâce à des intervenants de proximité formés pour désamorcer les conflits entre gangs rivaux. Ce type de stratégie fondé sur la santé publique a fait ses preuves dans de nombreuses villes. De 2010 à 2013 à New York, les homicides ont diminué de 18 % dans les quartiers qui ont utilisé ce modèle, alors qu’ils ont augmenté de 69 % ailleurs dans la ville.

Il s’agit d’une solution mutuellement avantageuse, car elle permet d’atténuer la pression sur les forces de l’ordre surchargées tout en mobilisant la communauté dans la lutte contre le crime.

Pour trouver une solution durable, les politiciens montréalais devront se pencher sérieusement sur les causes fondamentales de la criminalité et de la violence : la pauvreté, l’inégalité et le racisme systémique. Investir dans le renforcement des communautés, prendre des mesures pour endiguer la crise du logement et accroître le financement pour le traitement des maladies mentales et de la toxicomanie figurent parmi les pistes de solutions. Ces changements ne se feront pas du jour au lendemain, mais leurs retombées seront inestimables pour la société.

1. Lisez l'article de Global News 2. Lisez l'article de CityNews 3. Lisez l'article du Washington Post 4. Lisez l'article de CTV News

5. Alfred Blumstein et Joel Wallman, The Crime Drop in America, 2005, Cambridge University Press

6. Consultez le site de Cure Violence Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion