L’abondante consommation de viande en Amérique et en Europe depuis le début de l’ère industrielle a eu un effet d’entraînement dans les pays en voie de développement. Ceux-ci la considèrent encore comme un signe de prospérité enviable. Il s’agit là d’une perception erronée pour des raisons à la fois sanitaires, économiques et éthiques.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a évalué la consommation mondiale de viande à 323 millions de tonnes en 2017 comparativement à 67 millions en 1957. Cela représente une augmentation proportionnellement deux fois plus élevée que celle de la population. Selon les prévisions de l’ONU, cette consommation pourrait atteindre 470 millions de tonnes en 2050, la hausse provenant surtout des pays émergents.

La viande constitue l’un des principaux produits alimentaires exportés par le Canada avec des ventes atteignant 9,6 milliards de dollars en 2020, malgré la pandémie. Sa consommation tend cependant à plafonner et même à diminuer dans les pays riches comme le nôtre. Nous savons que la viande de boucherie industrielle comporte plus d’inconvénients que d’avantages pour la santé, lorsque consommée sur une base régulière. Riche en mauvais cholestérol, souvent nourrie aux antibiotiques, elle augmente notamment les risques de maladies cardiovasculaires et de diabète.

Des élevages intensifs générateurs de GES

Plus personne ne peut ignorer non plus que les troupeaux de bétail produisent une quantité importante de méthane et monopolisent de grands pâturages. Ces espaces gagneraient à être utilisés pour les cultures moins énergivores, d’autant qu’une bonne partie du produit des récoltes sert précisément à nourrir le bétail.

Par ailleurs, de nombreuses études attestent que l’espèce humaine, omnivore, peut aisément exclure les produits carnés de son alimentation.

Les protéines animales ne sont-elles pas indispensables au maintien d’une bonne santé ? En fait, les nutritionnistes devraient plutôt parler de protéines complètes, c’est-à-dire qui contiennent tous les acides aminés essentiels à la croissance et au bon fonctionnement de notre organisme. Une alimentation variée, impliquant la combinaison de plusieurs végétaux sur une base quotidienne – légumineuses, céréales, légumes, fruits –, peut combler tous nos besoins.

Il n’est cependant pas nécessaire de se priver de tout produit animal pour participer à un effort de réduction de la consommation carnée.

Démêlons un peu les étiquettes

Certaines personnes se contentent d’éliminer le bœuf, le porc, l’agneau et autres mammifères, tout en conservant les volailles comme le poulet et la dinde.

Les ovo-lacto-végétariens vont plus loin en bannissant toute viande, rouge ou blanche, et parfois même les produits de la mer. Ils conservent une grande variété d’aliments nourrissants comme les œufs, les produits laitiers et le miel.

Les végétaliens ne mangent aucun produit d’origine animale, quitte à compléter leur diète avec un supplément de vitamines et de minéraux : une précaution recommandée surtout pour les habitants des pays nordiques et les personnes âgées.

Au sommet de la pyramide, les véganes excluent de leur assiette et de leur style de vie tout produit animal. Par conséquent, vous ne trouverez pas dans leur garde-robe des vêtements, chaussures et accessoires en cuir !

Environ 5 % de la population mondiale est végétarienne tandis qu’un autre 25 %, dite flexitarienne, tend vers cet objectif en s’efforçant de réduire sa consommation de viande.

Quand tout un chacun y gagne

Certaines études tendent à démontrer que l’espérance de vie des végétariens est plus longue que la moyenne dans une proportion pouvant aller jusqu’à 20 %.

Au-delà des raisons de santé individuelle et collective (diminution de l’empreinte carbone, préservation des ressources de la biosphère), entre aussi en considération le prix de la viande, qui augmente davantage que les autres denrées du panier d’épicerie, coût de production oblige.

Il existe une dernière motivation que les végétariens hésitent parfois à exprimer : la conviction qu’aucun animal ne devrait naître pour être exploité pendant toute son existence au seul bénéfice de notre espèce suprémaciste, donnant son lait, son poil et sa progéniture, avant de finir dans un abattoir en guise de remerciement pour ses services rendus.

Les intérêts économiques priment sur toute autre considération au point d’occulter cet enjeu éthique. Ainsi, la grève de quatre mois survenue l’été dernier à l’usine d’abattage d’Olymel avait obligé les producteurs québécois à faire euthanasier quelque 136 000 porcs entassés dans leurs enclos. On a déploré l’énorme gaspillage alimentaire, les conditions de travail pénibles des employés sous-payés, mais combien d’intervenants se sont émus du sort des bêtes ?

Des animaux assujettis à nos besoins

C’est en commençant par accepter les reliefs de repas de nos lointains ancêtres que le loup s’est progressivement transformé en chien et a fini par trouver place dans nos foyers. Un temps utilisé comme dératiseur, le chat au tempérament plus indépendant a réussi pour sa part à conserver la faveur des humains sans trop subir de transformations.

Les animaux d’élevage contemporains sont également différents de leurs ascendants sauvages, mais leur transformation morphologique répond à des besoins tout autres : le trait, le transport, l’alimentation, l’habillement. Porcs, bovins, moutons, chèvres et cie sont devenus nos esclaves dociles.

Pourtant, les mammifères d’élevage ont autant sinon plus de traits communs avec les humains que les chiens et les chats. La recherche médicale nous a même appris que le porc est physiologiquement plus proche de l’homme que le chimpanzé et que son niveau d’intelligence est comparable à ce dernier, donc supérieur à celui du… meilleur ami de l’homme.

Un asservissement de moins en moins toléré

Les véganes réclament la fin de l’exploitation des animaux d’élevage en invoquant leurs facultés semblables aux nôtres : l’attachement à leurs petits, un langage leur permettant de communiquer entre eux, la capacité de développer des relations d’entraide et même des liens avec d’autres espèces, y compris l’Homo sapiens. Les sceptiques seront confondus en allant visionner sur YouTube quantité de vidéos à cet effet.

Leurs défenseurs estiment à quelque 3,8 milliards le nombre de mammifères d’élevage tués chaque année dans le monde. En incluant les poissons et les volailles, chaque habitant de la Terre consommerait en moyenne 183 animaux par an.

Alors que la détérioration des écosystèmes devrait de toute façon nous inciter à ralentir notre consommation de viande, l’industrie de la transformation continue pourtant de stimuler nos appétits carnivores. Les prospectus des supermarchés mettent en vedette les coupes de bœuf écarlates et les jambons dodus. Dans leurs étalages de plats à emporter, on ne trouve quasiment rien de végétarien. Les chaînes de restauration rapide nous inondent encore de publicités vantant hamburgers, déjeuners bacon-saucisse, poulets rôtis et pizzas au pepperoni.

Ces commerçants, enferrés dans leurs habitudes, accusent un grand retard par rapport à l’évolution de la société.

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