Voilà, les jeux sont faits, chacun a fait son choix pour élire les personnes qui tiendront les rênes de notre gouvernement pour les prochaines années. Elles devront naviguer dans des débats mouvementés et des enjeux particulièrement délicats vers un avenir incertain.

Lors des prochaines années, nous aurons amplement le temps de commenter les choix de nos politiciens, les actions qu’ils feront et celles qu’ils ne feront pas. Souvent, les commentaires seront durs et on entendra et on lira sûrement qu’ils manquent d’envergure et de courage. Mais il m’arrive souvent de penser que c’est moi, nous qui manquons d’envergure et de courage.

Assis dans mon salon, critiquer m’apparaît comme une action assez facile. Je me trouve d’ailleurs très pertinent lorsque je regarde une partie du Canadien pour commenter ce qu’un joueur aurait dû ou pu faire pour mettre la rondelle dans le but ou empêcher l’adversaire d’en compter un. Assez facile également de contester les décisions des arbitres, des entraîneurs et du directeur général de l’équipe. Puis, le match se termine, je retourne à mes obligations l’esprit tranquille, il n’y a personne qui souffre de mes décisions hypothétiques, personne non plus pour les contester.

C’est la même chose lorsqu’il s’agit de choix politiques : facile de dire qu’une décision manque de courage et qu’il aurait été beaucoup plus éclairé d’aller dans un sens ou dans l’autre.

Que ce soit au sujet de l’environnement, de la santé ou des finances publiques, entre autres, nous devrons faire face dans les prochaines années à des choix déchirants. Il ne s’agit pas ici de situations qui étaient imprévisibles, qui nous tombent dessus tout à coup sans signes avant-coureurs et qui ne pouvaient être anticipées pour s’y préparer. Pour quiconque s’intéresse aux défis de notre monde, il y a plusieurs décennies que des voix se font entendre pour nous avertir des enjeux liés à notre mode de développement qui vise une perpétuelle croissance, au vieillissement de la population, à la banalisation du crédit pour s’offrir ce que l’on désire maintenant et reporter les paiements, etc.

Face aux dilemmes qui se présentent à nous et aux décisions à prendre, la réflexion dont m’a fait part une ancienne collègue m’apparaît fort pertinente. Elle posait le problème du choix comme un exercice non pas pour trouver la meilleure solution, mais plutôt pour déterminer quelles seraient les conséquences, liées à ce choix, avec lesquelles j’étais le plus à l’aise. Dans un autre contexte, lors d’une formation, on m’invitait à participer à un jeu nommé « la boutique magique ». Je pouvais alors demander la réalisation de mes plus grands souhaits, puis suivait la question : qu’es-tu prêt à donner en échange et à quoi es-tu prêt à renoncer ?

Il semble que nous sommes habituellement plus tentés de reporter les conséquences de nos choix, souvent même lorsqu’il est trop tard, au moment où il n’y a plus d’autres options que de tenter de garder la tête hors de l’eau des renoncements que nous n’avons pas voulu faire, mais qui s’imposent à nous avec beaucoup plus d’intensité et de souffrance.

Bien entendu, sauf exception, nous souhaitons tous une terre florissante et en santé qui offrira à nos enfants et petits-enfants les conditions idéales pour s’épanouir. Par contre, lorsque vient le moment de l’échange, j’en connais peu qui sont prêts à renoncer à leurs voyages annuels, à leurs voitures pour prendre les transports en commun, ou à n’importe quoi qui pourrait restreindre une part du confort que notre mode de vie nous a permis d’acquérir. Il est de bon ton de dénoncer l’exploitation des sables bitumineux, mais qu’en serait-il si, en échange, le prix du litre d’essence devait bondir de 30 ou 40 cents ? Et ainsi de suite pour notre système de santé qu’on veut performant et à la fine pointe des nouvelles technologies, des écoles qu’on veut stimulantes et n’oubliant aucun enfant, des soins pour les personnes âgées pour les porter en toute douceur vers la fin de leur vie.

Puis, habituellement, une fois tous les quatre ans, nous sommes appelés aux urnes. C’est alors le temps de choisir nos élus desquels nous attendons la solution à la quadrature du cercle. Bien entendu qu’ils n’y arriveront pas tel qu’ils l’ont souvent laissé entendre, sachant fort bien, par ailleurs, que s’ils nous expliquent qu’il n’y a pas de solutions magiques et nous parlent plutôt de conséquences et de choses auxquelles renoncer, ils ne feront pas partie du prochain gouvernement. C’est alors la déception, le cynisme, ils ne rendent pas ce qu’ils avaient promis ou, s’ils le font, nous ne sommes vraiment pas heureux des conséquences qu’ils ne nous avaient pas annoncées. Et, au bout du compte, on leur reproche d’avoir menti, de manquer d’envergure et de courage. Alors, je repose la question : serait-ce plutôt moi, nous qui manquons d’envergure et de courage ? Car, dans une démocratie, peu importe le leader, son principal pouvoir est celui que nous voulons bien lui accorder.

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