Les collectivités québécoises font face à plusieurs crises simultanées, mettant au défi leur capacité d’adaptation et leur résilience. Dans ce deuxième texte, nous nous intéressons aux crises du logement et aux défis qu’il faudra relever pour garantir son abordabilité au sein de collectivités viables.

Au cours des derniers mois, quelques statistiques marquantes ont été rapportées dans les médias : selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), en juillet 2021, il s’est vendu 30 % moins de maisons dans le Grand Montréal qu’en 2020, mais leur prix médian y a augmenté de 18 %. En somme, il y a de moins en moins de maisons à vendre, et elles sont de plus en plus chères.

Ce constat est cohérent avec une autre statistique produite par la Banque Scotia : au Canada, le nombre de logements pour 1000 habitants, un ratio corrélé avec l’abordabilité, est de seulement 424. C’est le taux le plus faible des pays du G7.

Le problème de rareté de logement est d’une importance telle que la question de l’habitation constitue une des priorités du G15+, un collectif composé de leaders économiques, syndicaux, sociaux et environnementaux du Québec.

Pas d’allègement du bilan carbone sans abordabilité du logement

Pour atteindre nos cibles de réduction d’émissions, nous devons réduire les distances à parcourir. Mais l’accès au logement fonctionne selon la logique du drive until you qualify : on expulse les ménages des centralités, générant un étalement urbain néfaste.

S’il n’existe pas assez de logements dans le cœur des villes, et que le peu qui est mis en vente est hors de prix, comment envisager une durabilité et une abordabilité conjointes ?

Pas de justice en situation de manque

Dans le marché privé, la surenchère tire les prix vers les sommets, alors que du côté public, les listes d’attente s’allongent pour le logement social et les candidatures s’empilent dans les coopératives d’habitation, condamnant les ménages à revenu modeste à vivre dans des conditions indignes, loin des emplois, écoles et services auxquels ils ont droit.

Les milieux de vie complets sont évidemment très en demande. Si nous ne nous assurons pas que l’offre en logement y est suffisamment abondante pour que chaque ménage puisse y rester ou y emménager, nous érigeons des murs autour des villes et des quartiers dans lesquels nous voudrions pourtant, notamment pour des raisons environnementales, accueillir l’essentiel de la croissance démographique.

L’accès aux collectivités viables ne doit pas être déterminé par la capacité de payer ou la possibilité d’attendre des années : il n’y a pas de justice s’il n’y a pas de place pour tout le monde.

Pas d’abordabilité sans abondance

Si nous voulons agir en cohérence avec nos objectifs et nos valeurs, la direction à prendre est claire : il faut créer et assurer une abondance de logement dans les milieux de vie durables. La simplicité de cette idée est radicale : aucune liste d’attente pour intégrer du logement social, aucun prix qui force une famille à déménager loin de ses racines ni freine son désir de s’installer en ville.

Nous ne pouvons trouver sain et souhaitable que l’augmentation du prix des habitations dépasse, année après année, l’inflation.

Pour contrecarrer cette pression à la hausse, il faudra beaucoup, beaucoup plus de logements. Des appartements, des maisons de ville, des coopératives, des logements hors marché. La production de logements est complexe et difficile : pour y arriver, toutes les stratégies devront être mises à profit. On peut déjà envisager quelques pistes.

À commencer par le financement massif du logement social. On parle, ici, de sommes sans précédent, finançant assez d’unités pour que les listes d’attente restent vides pendant le prochain siècle.

Il faut aussi réfléchir à des mesures anti-spéculatives, comme une taxe progressive sur la valeur des bâtiments et des terrains sous-utilisés ; ainsi que l’interdiction totale de convertir le stock résidentiel en installations touristiques.

En parallèle, il faut réviser en profondeur le cadre normatif, dont les règlements d’urbanisme et le code du bâtiment, en faveur de nouvelles technologies et de méthodes de travail qui permettront de réduire les coûts et les délais de construction. En ce moment, on peut parler de 8 à 10 ans entre le moment où un projet est proposé et l’arrivée des premiers résidants !

Si la tâche paraît titanesque, elle n’a pourtant d’égale que l’urgence d’agir. À très court terme, les crises combinées du logement et des changements climatiques menacent de nous forcer à des sacrifices douloureux à tous les égards. Nous proposons plutôt de nous retrousser les manches et de construire un avenir dans lequel nous voudrons, et pourrons, habiter.

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