Aujourd’hui, congé de commentaire sur le mutisme de François Legault face aux mots « racisme systémique ». Parlons plutôt du plus grand parti politique, aussi bien aux dernières élections fédérales qu’aux prochaines municipales ; un parti dont les rangs ne cessent de gonfler. Parlons de nous. Ben, pas de moi ou de vous précisément : de NOUS. Ceux et celles qui, peu importe l’ordre de gouvernement, à un moment donné, ne vont pas voter.

Le taux de participation aux récentes élections fédérales a été de 62 %, nombre en constante diminution. Justin Trudeau a donc obtenu 33 % des 62 %, soit à peine 20 % des Canadiens inscrits. Ça finit par poser des questions de légitimité. D’autant plus que Justin, minoritaire, avait décidé par opportunisme ou par cynisme de déclencher des élections en pleine pandémie, au coût de 612 millions de dollars. Résultat : il se retrouve encore plus affaibli, « mal » élu, avec une représentativité plus que contestable.

Plusieurs analystes mettront le blâme sur le citoyen : à lui d’exercer son droit de vote conquis de haute lutte ! Mais à tous les ordres de gouvernement, les électeurs se désengagent. Pourquoi ? À cause d’un découpage électoral qui fait que des circonscriptions entières sont jouées d’avance, où le vote dissident est littéralement impossible.

Parce que plusieurs ne se sentent pas représentés par les partis ; ce sont des orphelins politiques. Parce que le système ne permet pas de comptabiliser le vote d’annulation. Parce que plusieurs en ont assez de la politique politicienne et qu’ils militent plus efficacement ailleurs dans la société.

La question du très faible taux de participation à cet exercice démocratique ultime va se répéter dans quelques semaines dans tout le Québec aux élections municipales, où le taux de participation moyen était de 50 % en 2017, de 42,5 % à Montréal. Dans un an, on remettra ça au provincial. Taux de participation en 2018 : 66,45 %. Évidemment, même avec ces faibles taux en baisse quasi constante, il faut faire confiance au système : c’est le jeu démocratique, ailleurs dans le monde ce n’est pas le cas, bla bla bla. Vous connaissez le discours, mais de plus en plus, notre système boudé et magané prête flanc. Et engendre de la part du citoyen désenchantement et désaffection. C’est un cercle terriblement vicieux.

C’est quand même impressionnant de constater que plus le taux de participation recule, et ce faisant, la solidité des gagnants, plus ceux-ci gouvernent par sondage. Ces derniers tâtent les opinions de TOUS, pas que de ceux qui votent. L’opinion de ceux qui vivent, qui ont des humeurs changeantes, qui discutent au dépanneur, qui se déplacent en cohortes, pensent par vagues, s’expriment sur les réseaux sociaux. Nous tous, en somme. « Le peuple pense que... »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Malgré les sursauts pandémiques, 47 % des Québécois sont derrière François Legault.

Samedi dernier, le Journal de Montréal titrait, à propos d’un sondage Léger : « Legault : loin loin loin en tête ». Malgré les sursauts pandémiques, la mauvaise humeur du premier ministre, les attaques de toutes parts pour qu’il prononce les mots « racisme systémique », 47 % des Québécois sont derrière François Legault, abondent dans son sens. Il plane en orbite. Après, les médias et les oppositions s’étonnent que le premier ministre ait manqué de sensibilité en ne prononçant pas les mots attendus, bottant en touche à propos de la productivité, le jour même du premier congé de la Vérité et de la Réconciliation propulsé par Justin Trudeau.

Pouvons-nous aussi voir dans cet incident le fait que François Legault sait qu’une majorité de Québécois le suit, qui pense qu’il y a au Québec du racisme systémique envers les autochtones, mais qui refuse paradoxalement de s’identifier en raciste ? La CAQ a les yeux sur les sondages.

Les élus écoutent ce que disent ces sondages. Ceux qui ne le font pas perdent. Ça a toujours existé, sauf qu’aujourd’hui, les gens votent de moins en moins, et les sondages pèsent de plus en plus lourd. Notre société est fracturée, elle « humeurise » en permanence et est sondée 24/7, à défaut d’aller voter. Plusieurs citoyens estiment superflu de se rendre aux urnes tous les quatre ans puisque leur parole porte tous les jours. Les politiciens en ont bien pris note. Ils nous écoutent, deviennent de plus en plus populistes, et nous les aimons semblables à nous. Malgré des élections célébrées machinalement, un dramatique abandon démocratique se joue ces jours-ci. Mais les sondages sont bons...

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