La centrale syndicale souligne cette année son 100anniversaire

La Confédération des syndicats nationaux (CSN), anciennement la CTCC (Confédération des travailleurs catholiques du Canada), souligne cette année son 100anniversaire. Née de la volonté des édiles catholiques du début du XXe siècle, cette association de travailleurs répondait aux appels de l’encyclique du pape catholique Léon XIII en 1891.

Première incursion du Vatican dans le monde industriel du libéralisme économique capitaliste, cette « lettre aux chrétiens », Rerum novarum (nouvel ordre des choses), cherchait à réguler un tant soit peu les relations entre patrons et ouvriers à une époque où l’industrialisation déstructurait le tissu social occidental. Elle se voulait aussi une alternative aux syndicats socialistes ou communistes qui étaient alors les seuls à revendiquer plus de justice pour les opprimés du capitalisme.

Ici, au Québec, cet appel à l’organisation de regroupements catholiques d’ouvriers fut entendu par les élites religieuses qui voulaient promouvoir la doctrine sociale de l’Église, protéger le nationalisme catholique et contrer le syndicalisme étranger, fortement inspiré par le socialisme de l’entre-deux-guerres (1918-1940).

Une seconde encyclique, Quadragesimo anno (Quarante ans plus tard), parue en 1931 sous le règne du pape Pie XI, venait poser une autre pierre à ce que deviendrait la CSN. Le principe de subsidiarité, visant entre autres à ramener les décisions à la base des organisations, allait raffermir le rôle des syndicats locaux, libres et autonomes, mettre en lien les regroupements régionaux, les Conseils centraux calqués sur les diocèses catholiques, et donner du corps aux regroupements sectoriels, les fédérations professionnelles de la CSN. Ce sont là les trois chaînons solidaires du logo de la CSN.

Une vision socialiste

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1946, Gérard Picard, un président d’une importance capitale pour la CSN, prépara et réalisa une transformation radicale du syndicalisme québécois. D’abord novice chez les Pères Blancs, puis journaliste, syndicaliste et avocat, il restera un catholique convaincu mais résolument tourné vers l’avenir. C’est lui qui mit en place les conditions qui allaient conduire la CSN vers un syndicalisme de combat, laïque, dont les figures de proue furent plus tard Marcel Pépin et Michel Chartrand. Le syndicalisme CSN élargissait son champ d’action, passant du contrat de travail au contrat social, sublimant les volontés exposées en filigrane dans les deux encycliques papales tout en sortant du carcan catholique et de sa vision idyllique des classes sociales.

La CSN aura marqué le paysage ouvrier du Québec, le faisant passer du syndicalisme « de bonne entente » à celui de revendication ouvrière et sociétale. Dans les années 1970 et 1980, la CSN se voulait le « fer de lance du syndicalisme de combat » en Amérique.

De son côté, le syndicalisme ouvrier international et principalement américain est né d’une volonté socialiste, mais il a souvent fait le cheminement inverse, devenant corporatiste, parfois même mafieux, délaissant jusqu’à il y a peu une vision sociale plus globale. Quant au syndicalisme corporatiste, il est resté fidèle à lui-même, ne visant qu’à consolider ou améliorer les conditions de ses membres, parfois au détriment des autres titres d’emplois et même de la société. Et, avouons-le, toutes ces « dérives » ont existé ou existent encore dans plusieurs organisations syndicales…

Un avenir collectif

Pour la CSN, comme pour les autres, le XXIe siècle amène des défis aussi grands que lors de l’arrivée du libéralisme économique il y a 100 ans. Les bouleversements climatiques, les niveaux d’endettement personnels et collectifs, l’exaspération des peuples envers leurs élus et envers leurs propres organisations civiles, la montée délirante des opinions fragmentées par les médias sociaux et l’indifférence accrue envers « l’autre » représentent une somme considérable de combats qui mériteraient un leadership syndical fort et organisé.

Le syndicalisme de la CSN doit se conjuguer aux combats des temps modernes que sont les revendications légitimes des minorités quelles qu’elles soient, celles des femmes, toujours exploitées depuis des siècles, des réfugiés politiques ou climatiques, des nations opprimées ou l’ayant été et, bien sûr, des travailleuses et travailleurs d’usines, d’institutions, autonomes ou non. La CSN doit être « éveillée » face aux injustices, tout en restant un pôle d’attraction collectif. La CSN doit lutter contre l’obscurantisme, la rectitude politique, la censure et l’individualisation des revendications. La CSN doit soutenir toutes les luttes progressistes qui cherchent à améliorer le vivre-ensemble.

La CSN doit faire de la lutte contre les bouleversements climatiques SA priorité pour l’intégrer dans le concret des conditions de travail, de la santé et de la sécurité de toutes et tous, des conditions d’existence des lieux de travail et de la finalité même du travail. La CSN doit promouvoir la jonction des forces progressistes et ouvrières. S’il doit y avoir un dialogue social, il doit dépasser les associations patronales ou politiques pour se concentrer sur le dialogue et la solidarité à la base de la société, de ses composantes locales, régionales et professionnelles. Ces trois chaînons du logo de la CSN sont toujours d’actualité même 100 ans plus tard !

Longue vie à la CSN !

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