L’année dernière, quand la COVID-19 a bouleversé nos vies, j’étais de ceux et celles qui espéraient que cette crise ne fût pas un rendez-vous manqué. Qu’elle susciterait un tournant vers le développement durable par les entreprises et les investisseurs, une adhésion à une gestion de risques axée sur des facteurs reliés à l’environnement (E), à la société (S) et à la gouvernance (G).

Avant d’aller plus loin : que sont les facteurs ESG ?

Ce sont des enjeux d’affaires, sous forme de risques à gérer ou d’occasions d’affaires, qui importent à la bonne conduite de leurs activités. La Loi sur le développement durable du Québec le définit comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. […] Il s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement ».

Le « E », pour le volet environnement, pourra faire référence à l’efficacité énergétique de l’entreprise, à sa gestion des déchets, ou à sa consommation d’eau. Le « S », pour le volet social, peut inclure notamment la santé et sécurité des employés, les droits de la personne dans toute la chaîne d’approvisionnement, le traitement équitable entre les femmes et les hommes et la diversité. Quant au « G », pour « gouvernance », il s’agit tant de la façon dont l’entreprise est gouvernée, de la qualité de son conseil d’administration et de son fonctionnement que de sa culture d’entreprise, du dialogue avec les actionnaires, de son éthique, de sa résilience aux changements climatiques, pour n’en citer que quelques-uns.

Pour une entreprise, l’étape préalable à la prise en compte et la bonne gestion des facteurs ESG est d’identifier ceux qui les concernent. Certains sont considérés comme universels, par exemple des enjeux systémiques comme les changements climatiques, la diversité ou la cybersécurité. D’autres sont propres à chaque entreprise, en fonction de la nature de ses activités, ses façons de faire, sa chaîne de valeur, par exemple l’approvisionnement en eau pour un producteur de boissons, ou les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour une aciérie. Des risques définis sont évidemment mieux gérés et mènent donc à un meilleur rendement pour l’entreprise. Cela permet aussi de trouver des occasions pour les entreprises.

Comment les facteurs ESG s’imposent-ils dans la gestion des entreprises ? En France, le Code civil précise que « la société [l’entreprise] est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Au Canada, bien que la loi n’exige pas d’en prendre compte, elle le permet. C’est là que l’action des investisseurs est intéressante.

Les investisseurs ont le pouvoir de leurs capitaux pour faire changer les choses. On voit maintenant les investisseurs, particulièrement les investisseurs institutionnels tels les régimes de retraite, comme des vecteurs de changement en matière de développement durable.

Car la recherche établit des liens entre la prise en compte des facteurs ESG et la création de valeur. Ne pas intégrer les facteurs ESG rendra l’accès au financement plus difficile, et son coût, plus élevé. Il en va donc de l’accès au financement.

En 2021, il ressort des assemblées annuelles des entreprises cotées en Bourse que les facteurs ESG s’imposent comme une norme pour les actionnaires, et par conséquent pour la gestion d’entreprise. La crise sanitaire que nous vivons a accéléré l’adhésion à l’investissement responsable comme l’indique le Rapport 2021 sur les tendances en finance durable1 du Groupe d’investissement responsable, sous la signature de Thomas Estinès et de Rosalie Vendette. Si la crise sanitaire actuelle a été un terreau fertile à la prise en compte des facteurs ESG, en ouvrant les consciences, ils ne sont pas une nouveauté, une nouvelle mode.

Dès 2006, Kofi Annan, alors secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), a invité un groupe réunissant les principaux investisseurs mondiaux à développer un ensemble de principes généraux de bonne conduite tournés vers l’investissement responsable.

Les trois premiers de ces principes d’investissement responsable consistent, pour les investisseurs, à intégrer les facteurs ESG à leurs processus décisionnels et d’analyse des investissements, à être des actionnaires actifs et à intégrer les facteurs ESG à leurs politiques et procédures en matière d’actionnariat. Ce processus permet notamment de filtrer des entreprises et peut mener l’investisseur à en exclure certaines ou en favoriser d’autres.

En 2019, l’ONU annonçait que les Principes pour l’investissement responsable (PRI) avaient reçu la signature de plus de 1400 investisseurs issus de plus de 50 pays2, représentant 59 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion… En juin dernier, les PRI annonçaient la signature de leur 4000membre et estimaient représenter plus de 120 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion.

C’est dire que l’objectif de Kofi Annan de diminuer le désalignement observé entre les intérêts des entreprises et ceux de la société en général n’est ni un épiphénomène ni une pratique réservée aux entreprises progressistes. Ce que l’on peut espérer – car cela est nécessaire à l’atteinte de l’objectif collectif d’un développement durable pour tous –, c’est que le mouvement s’amplifie et s’accélère pour faire face à la vélocité des défis auxquels nous faisons face.

1. Consultez le Rapport 2021 sur les tendances en finance durable 2. Consultez les Principes pour l’investissement responsable (ONU, 2019) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion