J’ai grandi à Saint-Léonard. Dans ce temps-là – il n’y a pas si longtemps – je jouais matin et soir dans les parcs. L’été, il m’arrivait souvent de marcher le long de la rue Jean-Talon ; en partant du métro Saint-Michel pour arriver à destination, chez moi, angle Jean-Talon et Langelier. Dans ce temps-là, je suivais la Lune et je comptais les étoiles.

Dans ma mémoire, il faisait bon vivre dans mon patelin. Été comme hiver, la sécurité régnait dans ce coin de la ville. Saint-Léonard était connu pour la présence du crime organisé, certes, mais jamais je ne me suis senti en danger lorsque je me promenais seul dans ses rues.

Aujourd’hui, je n’habite plus cette partie de la ville. J’habite Anjou (arrondissement voisin), mais je me sens toujours concerné par ce qui se passe dans mon ancien chez-moi. En fait, je suis inquiet – comme de nombreux citoyens – de cette montée de la violence. Depuis quelque temps, il ne se passe pas une seule nuit sans qu’on nous annonce qu’il y a eu des coups de feu par-ci et un meurtre par-là.

Peu importe les raisons derrière ces évènements. Ce qui arrive depuis quelque temps est fort inquiétant. Je suis certain que je ne suis pas le seul à m’inquiéter de ce fléau. Je suis aussi convaincu que tout le corps policier travaille avec acharnement pour garantir notre sécurité, évitant par le fait même que des dommages collatéraux atteignent nos concitoyens.

Or, malgré ma confiance en la force coercitive de l’État québécois, je suis tout de même inquiet.

Ce qui m’inquiète encore plus, c’est de savoir qu’il n’y a rien qu’on puisse faire, nous citoyens. Nous pouvons nous plaindre entre nous, nous défouler sur les réseaux sociaux, certainement. Mais est-ce suffisant pour calmer notre angoisse ? La réponse est non.

Depuis le début de la pandémie, de nombreuses personnes ont essayé d’entacher la réputation de la police de Montréal et des environs. Il y en a même qui ont osé crier haut et fort qu’il fallait diminuer les budgets de la police pour injecter plus d’argent dans la sensibilisation. Où sont ces voix aujourd’hui ?

Montréal n’est pas devenu une cité des banlieues parisiennes. Toutefois, ce qui arrive dernièrement nous pousse à nous poser de sérieuses questions sur ce qui nous attend dans un avenir très proche. Parmi ces questions, celle qui me préoccupe le plus, c’est de savoir qu’il y a autant d’armes en circulation dans une des villes censées être parmi les plus sécuritaires au monde. Et souvent, ce que nous savons – ce que l’État sait – n’est que la pointe de l’iceberg.

On n’est pas dans une situation extrêmement critique, certes. Toutefois, devons-nous attendre que cela le devienne ? Devrons-nous une fois encore lire dans le journal qu’un autre enfant, jouant candidement devant chez lui, a été atteint par une balle (comme dans la Petite-Bourgogne) pour qu’une révolte sociale puisse naître ? Devrons-nous accepter l’idée que ce qui arrive un peu partout à Montréal et dans ses environs devienne la normalité ? Devons-nous accepter l’idée que ce qui arrive aujourd’hui ne nous concerne pas puisque cela n’arrive pas dans notre quartier ?

Ce qui est urgent aujourd’hui, c’est qu’on ne doit pas laisser ces hors-la-loi guider notre conception du quotidien. Comme l’a si bien dit John Stuart Mill : « L’homme qui laisse le monde, ou du moins son monde, choisir pour lui sa manière de vivre, n’a besoin que de la faculté d’imitation des singes. »

Je m’excuse de ne pas avoir proposé des solutions dans ce texte. Ce qui arrive aujourd’hui m’a complètement déboussolé. Cependant, il y a une seule orientation qui me hante l’esprit depuis quelque temps. Si ce fléau allait en s’empirant, il ne me resterait plus qu’à quitter la métropole pour une communauté dans laquelle mes enfants pourront jouer librement sans avoir à m’inquiéter qu’une balle perdue puisse enlever la vie à ce que j’ai de plus cher au monde.

Je refuse de vivre comme un singe dans la cité.

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