La dignité humaine devrait être respectée en dépit de la joute électorale. À mon avis, ce principe a été négligé dans la foulée de la controverse entourant Will Prosper, candidat à la mairie de Montréal-Nord.

Rappelons qu’au mois d’août dernier, Le Journal de Montréal a révélé qu’en 1999, M. Prosper, alors policier à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) au Manitoba, a consulté une banque de renseignements criminels au sujet de trois suspects d’un meurtre commis à Montréal. Les trois hommes étaient des amis d’enfance de M. Prosper.

Le même jour, M. Prosper a communiqué avec l’un d’entre eux. L’enquête disciplinaire de la GRC n’a pu établir exactement ce qu’il aurait dit au suspect. Quoi qu’il en soit, M. Prosper a démissionné de la GRC en 2003, au terme de l’enquête.

Loin de moi l’idée de minimiser la gravité des faits, mais il m’importe de formuler les commentaires qui suivent, en clarifiant d’abord que Will Prosper est l’un de mes amis.

Will Prosper a été dûment sanctionné pour son comportement fautif. Il ne fait plus partie de la GRC et ne cherche pas à réintégrer un corps policier. Qu’en est-il de son droit de participer à la vie démocratique ? Faudrait-il l’en bannir à tout jamais pour des faits datant d’il y a vingt-deux ans ? Je ne le pense pas.

La vie démocratique s’enrichit de la participation de personnes issues des milieux les plus marginalisés. Ces personnes comprennent certaines nuances au sujet de leur réalité auxquelles les instances politiques sont souvent aveugles. La participation de ces personnes est particulièrement précieuse si elles misent sur leur expérience personnelle afin d’agir comme des acteurs de changement.

Candidature exceptionnelle

En examinant le profil de Will Prosper, force est de constater que la mairie de Montréal-Nord est placée devant une candidature exceptionnelle. Ayant grandi à Montréal-Nord et ayant été lui-même confronté aux injustices qui sévissent dans cet arrondissement, il est profondément animé par un désir d’agir comme une force de solutions. Et il a su bâtir plusieurs projets qui tendent vers cet idéal en naviguant habilement à travers l’implication politique, les arts et la culture, l’éducation, le développement communautaire et le militantisme, toujours dans un souci de collaboration avec des acteurs diversifiés.

Est-ce que toutes les réalisations de Will Prosper effacent le passé ? Non. Cela dit, il est surtout pertinent de se demander : aujourd’hui, est-il raisonnable de douter de l’intégrité du candidat à la mairie de Montréal-Nord ? Absolument pas.

À ce sujet, il suffit d’examiner quelle fut la réponse aux révélations du Journal de Montréal. Parmi la multitude de personnes ayant collaboré avec Will Prosper au cours des deux dernières décennies, vous chercherez longtemps avant de trouver une seule personne doutant de son intégrité. Au contraire, dans une lettre ouverte diffusée le 1er septembre dernier, plus de 130 créateurs du milieu du cinéma et de la télévision du Québec et du Canada lui ont manifesté leur solidarité.

Le consensus provenant des acteurs de la société civile ayant eu maintes occasions d’évaluer les qualités de Will Prosper lance un même message : nous prenons acte du passé et à présent, nous croyons que l’individu est apte à honorer la fonction de maire.

C’est dans un tel contexte que certaines tentatives de miner la crédibilité de Will Prosper font sourciller. À ce titre, je connais aussi Christine Black, mairesse de Montréal-Nord, depuis l’époque où elle œuvrait dans le milieu communautaire. Je suis profondément convaincu qu’elle reconnaît l’impact positif de Will Prosper à Montréal-Nord, et qu’elle ne le considère pas comme corrompu. Or, cela ne l’a pas empêchée, sur Twitter, de tenter un amalgame douteux entre les fusillades à Montréal-Nord, des liens que Will Prosper aurait avec des gangs de rue et la sécurité de Montréal-Nord qui serait ainsi à risque.

Je m’abstiens d’une comparaison entre Christine Black et Will Prosper. Toutefois, je souhaite remarquer qu’une personne détenant le statut de mairesse de Montréal-Nord aurait tout intérêt à éviter de tenir des propos susceptibles d’attaquer indûment la réputation d’un citoyen exemplaire de cet arrondissement.

Car le respect de la dignité humaine compte, en dépit de la joute électorale. Quelqu’un à la GRC et Le Journal de Montréal semblent l’ignorer. Parce qu’il a bien fallu qu’un membre de la GRC transgresse son devoir de confidentialité pour divulguer l’intégralité de la décision disciplinaire de 2001 concernant Will Prosper en omettant de cacher les noms de la personne assassinée à l’époque et des trois suspects en cause.

Cette question est importante. Trois personnes qui devraient bénéficier de la présomption d’innocence voient, plus de 20 ans après les faits, leur nom publiquement associé à une affaire de meurtre. Leur réputation s’en trouve entachée, mais leur sécurité aussi, car l’entourage de la personne tuée à l’époque peut maintenant identifier trois suspects. Nous ne pouvons garantir que ces trois hommes, par cette divulgation, seront à l’abri de représailles.

Certains, en s’imaginant que ces personnes sont des « criminels », pourraient considérer que leur droit à la réputation et à la sécurité peuvent être ainsi bafoués. Mais une société qui se respecte honore les droits fondamentaux de tout un chacun. Comment se fait-il qu’un corps policier et une entreprise médiatique violent ces droits avec une telle impunité ?

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