Les Internationaux des États-Unis sont en cours à Flushing Meadows, dans l’arrondissement de Queens à New York. Les finales sont prévues le week-end du 11 septembre. La campagne publicitaire de ce tournoi – le concert rock des tournois de tennis – est réussie. Sur un montage d’images tirées d’archives d’éditions précédentes, mettant en vedette les grands noms du sport, l’acteur et dramaturge Lin-Manuel Miranda scande « New York is back ! » Ce qu’on célèbre est le retour de l’action dans une ville qui, comme toutes les autres, a été atrophiée par la pandémie.

Le 11 septembre 2001, je vivais aux États-Unis. Le lendemain, je devais prendre un vol d’American Airlines, une des lignes aériennes prises pour cible par des malfaiteurs, 24 heures plus tôt. De simplement écrire ces lignes me rappelle l’anxiété, la confusion, la peur et l’inquiétude ressenties en écoutant les bulletins de nouvelles annonçant la tragédie. À la télévision américaine, de grands chefs d’antenne chevronnés, plusieurs d’entre eux new-yorkais et ayant couvert de nombreux conflits à l’international, décrivaient les scènes d’horreur avec la voix tremblante et les larmes aux yeux. Cette fois-ci, la guerre était dans leur cour. C’est une vulnérabilité qu’on avait rarement vue en ondes. Mais comment la cacher ? Et surtout, pourquoi ? Cette fragilité était aussi la nôtre, nous, téléspectateurs, confus et angoissés.

De la couverture médiatique ayant suivi les attaques d’il y a 20 ans est né le mythe de Rudy Giuliani. Le maire de New York de l’époque est devenu celui de l’Amérique, comme il était dorénavant surnommé. Choisi personnalité de l’année 2001 par le magazine TIME, Giuliani s’était construit une image qui faisait oublier celle du maire qui, avant la tragédie, avait notamment instauré la politique « stop-and-frisk » – plus tard jugée discriminatoire et inconstitutionnelle, par un juge de la Cour fédérale. Depuis les dernières années, cette image s’est décomposée. Giuliani a bousillé sa propre légende, tout seul comme un grand, à coups de dérapages et de mauvaises fréquentations politiques.

Heureusement, ce ne sont pas les maires qui font les villes. Ce sont leurs habitants. Et ceux de New York sont demeurés résistants et solidaires.

Mais en pensant aux familles encore endeuillées, j’ai eu le même sentiment qu’après le tremblement de terre du 14 août dernier en Haïti. Il y a des deuils qui n’offrent pas le luxe de n’être que tristes. Certains exigent aussi la colère contre les circonstances qui ont mené aux pertes de vies. Et la vigilance. Aux presque 3000 victimes des deux tours du World Trade Center, du Pentagon et de l’écrasement de l’avion en Pennsylvanie, il faut ajouter les près de 2000 premiers intervenants new-yorkais qui sont morts, à la suite de maladies reliées aux particules toxiques trouvées dans les débris de Ground Zero. Des autres secouristes, qui ont travaillé dans les gravats des tours, près de 10 000 ont été diagnostiqués de maladies chroniques et de cancers. En 2019, le fonds d’indemnisation des victimes du 11 septembre – qui servait à couvrir les frais médicaux à vie de ceux affectés – était presque à sec. L’animateur de télévision Jon Stewart a fait du renflouement de cette caisse une croisade, se rendant à Washington pour plaider devant un Congrès à moitié présent. Malgré l’apparence d’une semi-indifférence et la combativité de certains, la prolongation des indemnités fut approuvée.

Des attaques du 11 septembre 2001, il y a des images qu’on n’oubliera jamais, comme celles de la deuxième tour du World Trade Center en flammes, après avoir été frappée par un des avions détournés. Et il y a toutes celles des pompiers aux visages poussiéreux, sortant des victimes des décombres.

On a toujours su les pompiers courageux et voilà qu’on en avait encore la preuve, photo après photo. Reportage après reportage. En très peu de temps, les casquettes, t-shirts et autres vêtements arborant les lettres FDNY – identifiant le service d’incendie de la ville de New York – étaient les articles de mode must pour rendre hommage à ceux qui sont allés vers le danger, au lieu de le fuir. Mais les modes passent et tombent souvent dans l’oubli. J’utilise le combat mené par Jon Stewart comme métaphore. Il m’a rappelé l’importance des alliés et celle de ne jamais baisser les bras. L’importance d’utiliser son influence et surtout, celle d’aller au-delà de l’image. Il ne suffit plus de porter le t-shirt ou d’utiliser le mot-clic. Souvent la lutte continue, même quand elle n’est plus au goût du jour.

New York is back. Ce qu’il reste est une ville qui ne cesse de se relever, chaque fois. Des crises financières, aux attaques terroristes, aux pandémies, aux élus décevants. New York continue de donner le ton et elle restera toujours – du moins pour moi – une boussole. I heart NY, suggère l’iconique logo du designer graphique Milton Glaser. C’est vrai. Depuis longtemps et pour toujours.

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