Pendant toute la pandémie de COVID-19, on entendait constamment parler de pénurie de lits dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée. Des hôpitaux de campagne ont été déployés, des équipements ont été transférés et des fournitures ont été accumulées. Pendant qu’ils mobilisaient ces ressources, les gouvernements oubliaient souvent de poser une question de base : qui va dispenser les soins ?

Les divers rôles et les compétences hautement spécialisées du personnel infirmier étaient souvent ignorés pendant la pandémie. On ne peut pas faire apparaître une infirmière compétente en soins intensifs lorsqu’on en a besoin. Et les infirmières ne sont pas interchangeables : leur formation unique, leur expérience sur le terrain et les organismes de réglementation déterminent ce qu’elles peuvent (et ne peuvent pas) faire lorsqu’elles dispensent des soins à certains patients.

Pendant que nous traversons la deuxième année de cette pandémie mondiale, il est temps de reconnaître l’énorme fardeau physique et psychologique de cette expérience pour le personnel infirmier. Le burn-out est maintenant endémique et des foules d’infirmières et d’infirmiers quittent la profession.

Lorsque la COVID-19 est arrivée à nos portes, notre système de soins de santé était déjà poussé à sa limite. Maintenant, après des centaines de milliers d’heures supplémentaires, d’innombrables quarts de travail de 24 heures à la suite les uns des autres, et de nombreuses vacances annulées, les infirmières se font dire qu’ils ne peuvent pas se reposer parce que le système de soins de santé ne pourra pas tenir.

Pour ajouter au fardeau, certains gouvernements essaient vigoureusement d’équilibrer les budgets sur le dos du personnel infirmier en réduisant ou gelant les salaires et en réduisant le personnel. Quel cadeau pour nous remercier !

Beaucoup d’infirmières en ont assez du manque de soutien, de valorisation et de respect ; certaines prennent une retraite anticipée ou retournent aux études dans un domaine où le travail sera plus gratifiant. D’autres, en désespoir de cause, partent tout simplement.

Au premier trimestre de 2021, il y avait près de 100 000 postes vacants dans le secteur de la santé et des services sociaux, soit près d’un poste vacant sur cinq au Canada. Comme la pression sur le personnel infirmier ne diminue pas, ces chiffres vont certainement augmenter. Les problèmes liés à la charge de travail existaient bien avant la pandémie ; la COVID-19 n’a fait que les envenimer.

Les répercussions de la pénurie anticipée de personnel infirmier, ainsi que ses impacts négatifs sur les temps d’attente et les soins aux patients, sont maintenant évidents dans chaque province du Canada. Les gouvernements et les employeurs essaient de combler les lacunes en offrant des milliers de primes à la signature, tentant ainsi d’attirer le personnel infirmier d’autres provinces. Même en étant optimistes, cette solution n’est que temporaire, car déplacer le personnel infirmier d’un endroit à l’autre ne va pas régler la crise dans le secteur infirmier.

Les syndicats infirmiers ont sonné l’alarme à répétition au sujet du manque de personnel ; c’est maintenant le principal message que nous adressons aux employeurs et aux gouvernements.

Il a fallu, malheureusement, une pandémie mondiale et de nombreux décès avant de finalement mettre en relief l’absence complète de leadership fédéral lors de la planification de la main-d’œuvre en santé, et ses conséquences quand vient le temps de répondre aux besoins en matière de santé des personnes du Canada. Sans données de base sur les travailleurs de la santé, y compris le personnel infirmier, les décideurs sont forcés de planifier dans le noir. Des investissements substantiels de la part du gouvernement fédéral sont aussi nécessaires pour mieux gérer et soutenir la main-d’œuvre en santé.

D’autres pays, dont la Nouvelle-Zélande et l’Australie, ont pris des mesures proactives pour combler l’écart entre l’offre et la demande dans le secteur infirmier. Ils ont créé des organismes nationaux de coordination afin de mieux fournir des données et des outils pour la planification de la main-d’œuvre. Nous devrions suivre leur exemple. Le gouvernement fédéral devrait mettre sur pied une agence de la main-d’œuvre en santé ayant le mandat explicite d’améliorer significativement les données actuelles sur la main-d’œuvre en santé.

Jusqu’à maintenant, plus de 50 organisations de la santé, représentant employeurs, associations, syndicats et enseignants, ainsi que plus de 200 signataires individuels, y compris des directeurs généraux d’hôpitaux, ont signé pour appuyer cette proposition.

En attendant, le gouvernement fédéral doit, de toute urgence, investir dans les programmes de maintien en poste afin d’arrêter l’exode du personnel infirmier. Bien que le recrutement et les nouvelles recrues soient nécessaires, les nouveaux diplômés dépendent du mentorat d’infirmières et d’infirmiers plus expérimentés, particulièrement au début de leur carrière.

La main-d’œuvre en santé est un investissement public important ; il représente plus de 10 % des personnes ayant un emploi au Canada et près de 8 % du PIB.

L’industrie de la construction au Canada a une meilleure planification de sa main-d’œuvre que le secteur de la santé grâce à ConstruForce qui lui permet de prévoir les besoins à long terme en travailleurs qualifiés.

Nous devons faire la même chose dans le secteur de la santé.

Si nous accordons de la valeur au personnel infirmier, si nous voulons assurer la sécurité des patients et des résidents, et si nous voulons que les temps d’attente cessent d’augmenter, il faut investir dans une meilleure planification nationale de la main-d’œuvre en santé.

Sondages après sondages révèlent que les soins de santé sont une priorité pour la population canadienne ; il est temps que le gouvernement fédéral investisse dans ce qui a de l’importance pour les personnes du Canada.

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