Le retour à la normale.

Chaque fois que j’entends cette expression depuis le début de la pandémie, je me demande sérieusement ce qu’elle peut bien vouloir signifier. Personnellement, si un retour à la normale signifie rependre là où nous étions rendus avant le début de la pandémie, jamais je ne veux y retourner. Alors que la COVID-19 s’est mise à gérer nos vies, il n’y avait rien de très éclatant dans celles-ci. La richesse, but ultime de la grande majorité, m’apparaissait être une licence pour reléguer à autrui ses responsabilités sociales et environnementales. C’est sur la route que notre retour à la normale s’expose le plus et avec le plus de panache. Tout est la faute de tous et jamais nos actions ne sont à remettre en cause.

J’ai 58 ans. Cela fait plus de 40 ans que la majorité de mes déplacements se fait à vélo. J’ai mouliné à une époque où la ligne blanche en bordure de route était un espace trop grand pour laisser un cycliste circuler sans tenter d’attenter à sa vie. Étrangement, avec l’immense essor des VUS, camionnettes et autres, les engins polluants semblent dominer les routes. Alors que nos dirigeants ont partiellement déconfiné, l’impression de richesse paraît accorder un droit à l’incivilité qui va jusqu’à agresser sans raison tout ce qui est plus petit que soit sur la route. Bien sûr, il y a aussi les intraitables professionnels de la route, qui, compte tenu de leur statut, ont un droit plus élevé pour ne pas respecter tout ce qui est plus petit et plus fragile qu'eux (ce n’est vraiment pas le cas de tous puisque plusieurs font preuve d’énormément de professionnalisme).

Bien sûr, la crise du coronavirus a retiré beaucoup de droits à tous et maintenant, avec le déconfinement partiel, cela semble important de reconquérir ces droits temporairement perdus. Après tout, qui sont ces gens sur deux roues auxquels il faudrait céder quelques dixièmes de secondes ? Moi, je remets en question ce besoin de toujours polluer même lorsque c’est le temps de s’amuser. Comment se fait-il que pour faire une randonnée de vélo, de canot, de trekking ou des activités en nature, il faille à tout prix faire plus de 100 kilomètres en voiture alors que l’essentiel de la population se retrouve toujours à une dizaine de kilomètres d’un cours d’eau ou d’un sentier ? Je demeure en milieu urbain et je m’interroge toujours sur mon utilisation de la voiture. Jamais je ne prendrais ma voiture pour me taper 200 kilomètres, faire une activité quelconque pour quelques heures et revenir chez moi par la suite. Je trouve cela horrible. J’ai une responsabilité envers la Terre, ma mère nourricière. Trois à quatre heures de voiture pour deux heures d’activité. Est-ce là le retour à la normale ? Ne parlons surtout pas de la course effrénée au sport motorisé, qui est une horreur quant à moi. N’est-ce pas la richesse qui donne un droit de polluer quand ça prend un gros véhicule pour tirer un gros bateau, question de polluer en double ? De quoi je me mêle après tout ? Ne nous amusons-nous pas en nature ?

Je crois que la civilité va de pair avec ce qui devrait être notre normale ; soit respecter la nature qui nous entoure et toujours s’interroger sur l’ampleur et l’impact de nos actions. De plus, les êtres humains, avec toute la diversité et la fragilité qui peuvent les caractériser, font partie de cet environnement. Moi-même, étant une femme trans, je peux aisément dire que les plus grandes incivilités dont j’ai été témoin ont été sur la route, là où l’exposition de sa normale à soi se fait en menaçant la vie du plus fragile.

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