Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié le 9 août est catégorique : la crise climatique n’est plus abstraite ou lointaine, mais un processus déjà bien entamé qui menace toutes les communautés du vivant.

Tel un véritable film d’horreur, les sécheresses historiques dans l’Ouest canadien, les incendies de forêt apocalyptiques en Colombie-Britannique et les vagues de chaleur mortelles dans les villes n’en sont que quelques effets ressentis près de chez nous. Il faut vivre dans le déni pour ne pas ressentir l’urgence et espérer un changement de direction radical. Toutefois, il est impératif d’insister sur le fait que nous ne sommes pas tous et toutes également responsables de la crise climatique. 

Les véritables coupables sont les 1 % des plus riches qui sont responsables de 15 % des gaz à effet de serre (GES) émis entre 1990 et 2015, soit deux fois plus que les émissions des 50 % des plus pauvres de la planète sur la même période. Sans parler des quelque 100 compagnies qui sont responsables de 71 % des émissions de CO2 mondiales liées aux industries depuis 1988.

Les actions de cette infime minorité nous imposent de composer avec la présente situation, où le nouveau rapport du GIEC nous annonce qu’il est probablement impossible de ne pas dépasser le budget de carbone restant pour limiter le réchauffement global à 1,5 °C, seuil permettant d’éviter un dérèglement climatique total et de respecter les cibles de l’Accord de Paris. Ce sont eux et elles que la culpabilité et l’urgence devraient ronger.

Pourtant, c’est nous qui ressentons cette urgence. Bien que les jeunes et les prochaines générations seront témoins et victimes des scénarios funestes dont est synonyme le statu quo pour 2050 ou 2070, ce nouveau rapport nous ramène dans le présent ; nous rappelant à quel point nous avons déjà les deux pieds dans la catastrophe du réchauffement planétaire.

Aujourd’hui, nombre de personnes âgées succombent chaque été aux îlots de chaleur dans les quartiers défavorisés de nos villes. Les communautés autochtones éloignées des centres urbains vivent déjà la disparition de sources d’alimentation importantes comme le saumon ou le caribou. Les personnes vivant de l’agriculture voient leurs récoltes amoindries par les sécheresses alors qu’elles croulent souvent sous les dettes. Tout le monde n’est pas dans le même bateau : les impacts sont vécus par certaines communautés de manière disproportionnée, leur infligeant des souffrances bien réelles, d’autant plus que leur bien-être et leur sécurité sont déjà négligés par nos structures et institutions.

Ce n’est plus un simple enjeu de réduction des gaz à effet de serre : la justice doit être au cœur de toutes les décisions prises face à la crise climatique. Il est impensable d’atteindre la carboneutralité de manière équitable dans un système capitaliste où les profits de quelques ultra-riches priment sur notre bien-être collectif. Surtout que la situation actuelle laisse présager un avenir où, au fur et à mesure que l’état du monde se dégrade, seule une minorité toujours plus infime est en mesure de compenser les ravages grâce à son emprise sur les ressources naturelles – s’en remettant à des fantaisies constamment plus aberrantes, comme de s’envoler dans l’espace pour trouver une autre planète habitable.

Rappelons-nous que cette petite élite profiteuse, c’est avant tout les compagnies multinationales et les gouvernements apathiques.

Souvenons-nous que ce sont nos gouvernements qui ont activement ignoré les revendications de la plus grande manifestation de l’histoire du Canada, le 27 septembre 2019, alors que la majorité de la population cherchait à se mobiliser. Les promesses politiques ne se sont jamais concrétisées. Encore une fois, nos gouvernements disent vouloir passer à l’action lors de la COP26. Toutefois, ne mettons pas tous nos espoirs dans cet évènement et, cette fois-ci, quittons les sentiers battus.

Au lieu de nous laisser emporter dans ce film d’horreur, pouvons-nous plutôt en réécrire le synopsis ? Adieu énergies fossiles, pillage incessant d’un or noir nourrissant l’avarice. Au revoir, monocultures décimant la biodiversité protectrice des cycles climatiques. Fini ce système économique basé sur l’exploitation et l’extractivisme. Tenons responsables les décideurs et décideuses qui avaient, déjà en 1990, le pouvoir de nous amener sur un autre chemin, s’ils en avaient réellement eu l’intention et le courage.

Choisissons plutôt un retour à des communautés résilientes tissées serré et le rétablissement réel des souverainetés autochtones sur les territoires.

Retrouvons avec émerveillement une agriculture maraîchère locale et de saison. Accueillons avec soulagement la décroissance, pour plus de temps entre proches, amis et amies, voisins et voisines.

Surtout, reconnectons-nous avec les écosystèmes millénaires qui nous permettent simplement de respirer, d’admirer et de ressentir. Ralentissons. Réapproprions-nous les rues, les villes et les champs. Ensemble.

Mobilisons-nous pour la planète, mais surtout pour notre humanité. Mobilisons-nous afin d’entamer un nouveau chapitre de l’histoire du monde.

* Cosignataires, militants de CEVES : Thomas Brady, Clémence Roy-Darisse, Rosalie Thibault et François Trépanier-Huot

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