(New York) Le Groupe des 20 est devenu un pilier du multilatéralisme. Bien que le monde dispose de nombreux forums de haut niveau, le G20 se distingue comme le meilleur d’entre eux, soutenant activement à l’échelle mondiale le dialogue, le débat et, plus important encore, la résolution des problèmes économiques. Son plus grand défaut – le fait qu’il exclue 96 % de la population africaine – pourrait disparaître si le G20 décidait d’intégrer dans ses rangs l’Union africaine (UA).

Certes, depuis l’après-guerre, le multilatéralisme fonctionne principalement à travers le système des Nations unies. Comptant 193 États membres, l’ONU offre un lieu singulier et indispensable à l’élaboration et à la mise en œuvre du droit international. Bien que l’ONU soit fréquemment contournée par l’unilatéralisme des États-Unis et d’autres grandes puissances, elle demeure essentielle à la survie du monde. S’élevant à 3 milliards de dollars par an, son maigre budget représente sans doute le dixième de ce qu’il devrait être et se révèle régulièrement sous-financé. Pour autant, l’ONU parvient à contribuer immensément et de manière indispensable à la paix, aux droits de la personne ainsi qu’au développement durable.

Mais le G20 joue lui aussi, en fin de compte, un rôle essentiel. Représentant les 20 plus grandes économies de la planète, il permet une résolution plus flexible et plus rapide des problèmes.

Lorsque l’ONU autorise à chacun de ses membres 10 minutes pour formuler une déclaration sur une problématique, les discussions ultérieures nécessitent 32 heures ; lorsque le G20 se réunit autour d’une table, le débat est clos en un peu plus de 3 heures seulement.

Et bien que les décisions du G20 n’aient pas force de loi en matière de droit international, elles appuient les processus correspondants au sein de l’ONU, concernant par exemple le réchauffement climatique et la finance du développement.

Autre forum existant, le G7 a été créé en 1975 pour réunir les économies mondiales aux revenus les plus élevés. En 1998, j’ai recommandé que soit doublée la taille du groupe (qui était déjà devenu le G8 avec l’ajout de la Russie) afin que huit autres économies majeures en voie de développement le rejoignent. Un G16, expliquais-je, « n’aurait pas vocation à dicter sa parole au monde, mais à établir les paramètres d’un dialogue renouvelé et honnête » entre pays développés et pays en voie de développement.

Peu après, le G20 a été mis en place pour jouer ce rôle. Il est apparu pour la première fois en 1999 sous la forme d’un rassemblement des ministres des Finances, puis il a évolué en rencontre des chefs d’État et de gouvernement en réponse à la crise financière de 2008. Depuis, le G7 est devenu de moins en moins représentatif, et de plus en plus incapable de prendre des mesures décisives (ce qui m’a conduit cette année à proposer purement et simplement sa suppression).

L’actuel G20 inclut 19 gouvernements nationaux auxquels s’ajoute l’Union européenne – la France, l’Allemagne et l’Italie étant à la fois membres du G20 et membres de l’UE, elles sont en réalité représentées deux fois. L’inclusion de l’UE dans le groupe a été un coup de maître. Dans la mesure où l’UE coordonne les politiques économiques de ses 27 États membres, son bras exécutif, la Commission européenne, peut avec crédibilité s’exprimer au nom du bloc sur des questions économiques de niveau mondial. Par ailleurs, le processus du G20 renforce en retour les démarches internes de coordination de l’UE, au bénéfice en fin de compte de ses 27 États membres. Le G20 représente par conséquent 43 pays (27 États membres de l’UE plus 16 pays extérieurs à l’UE) en présence de seulement 20 dirigeants autour de la table.

Bien que ces 43 pays correspondent à seulement 22 % des États membres de l’ONU (selon un décompte rapide), ils représentent environ 63 % de la population planétaire, et 87 % de la production brute mondiale. Même si les 43 pays représentés à la table du G20 ne s’expriment pas pour les 150 autres États membres de l’ONU, ils représentent une proportion suffisante de la population et de l’activité économique mondiales pour constituer une solide base en appui des délibérations autour de problématiques planétaires.

En revanche, dans la mesure où il exclut quasiment toute l’Afrique, le groupe sous-représente considérablement ce continent ainsi que les pays de la planète à revenu faible. Les 55 États de l’UA (plus du quart des membres de l’ONU) accueillent 1,4 milliard d’habitants (17,5 % de la population mondiale) et représentent 2600 milliards de dollars de production annuelle aux taux de change du marché (presque 3 % du PIB mondial).

Dans son ensemble, l’Afrique présente une population à peu près identique en nombre à celles de la Chine ou de l’Inde, ainsi qu’une économie qui arriverait en huitième position – juste derrière la France, et devant l’Italie – dans un classement des pays.

La clé de l’efficacité du G20 consiste à atteindre un très haut niveau de représentation de la population et de l’économie mondiales, tout en conservant à la table des discussions un nombre suffisamment réduit de dirigeants pour permettre une rapidité et une flexibilité des délibérations et des prises de décisions. L’intégration de l’UA satisferait à ces deux critères : augmentation importante de la représentation et ajout d’un seul siège à la table. Le groupe représenterait immédiatement 54 pays supplémentaires, 1,3 milliard d’individus de plus et 2300 milliards de production additionnelle, en ajoutant seulement 10 minutes de plus aux discussions de tour de table.

L’intégration de l’Union africaine dans un G21 étendu exercerait par ailleurs le même effet de galvanisation en Afrique que la participation de l’UE au G20 a exercé en Europe : elle renforcerait la coordination des politiques et la cohérence des 55 économies africaines.

Faisant face cette année à de multiples défis urgents, le G20 bénéficierait considérablement de l’adhésion immédiate de l’UA. Les priorités majeures incluent la couverture vaccinale universelle pour empêcher davantage de décès de la COVID-19 et la propagation de nouveaux variants, l’introduction de nouvelles mesures d’atténuation des dégâts économiques à long terme infligés par la pandémie ainsi que l’obtention d’engagements de décarbonisation d’ici le milieu du siècle, de la part de tous les pays et de toutes les régions, pour éviter un désastre climatique.

Le G20 se distinguant comme un forum si important, d’autres aspirants membres viendront nécessairement frapper à sa porte. Le groupe devra équilibrer les bienfaits d’une plus large représentation avec les avantages d’une composition réduite plus agile. S’agissant de l’UA, le choix apparaît évident. Un nouveau G21 pourrait ensuite conduire d’autres aspirants à solliciter une représentation au travers de délégations régionales comparables – telles que l’ANASE pour les 661 millions d’habitants qui peuplent 10 pays d’Asie du Sud-Est ou un regroupement similaire en Amérique latine.

Cette année, le G20 est aux mains expertes et compétentes du premier ministre de l’Italie, Mario Draghi. L’Italie peut user de sa présidence pour léguer un héritage durable. En invitant l’UA à se joindre au prochain sommet de Rome, fin octobre, elle pourrait apporter une contribution majeure à la construction d’un monde plus prospère, plus inclusif et plus durable.

* M. Sachs est également président du Réseau des solutions pour le développement durable auprès des Nations unies.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion