Vendredi, des centaines de militants dans près de 15 pays, dont le Canada, ont manifesté contre les projets d’exploitation, d’exportation et d’importation d’un combustible qui contribue aux incendies, sécheresses et inondations qui s’abattent présentement sur la planète : le gaz « naturel ».

Depuis des années, un énorme travail de marketing et de relations publiques est en branle pour nous le vendre comme une énergie de transition, qui servirait de pont entre le passé pétrolier et un futur où les énergies vertes domineront. Au Québec comme ailleurs dans le monde, nous sommes toutefois de plus en plus nombreux à voir clair dans le jeu de l’industrie, qui tente d’utiliser le gaz pour sauver les meubles.

Ses représentants tentent sans cesse de nous faire croire que le gaz naturel est moins néfaste que le pétrole ou le charbon. Derrière ce discours se cache une autre intention : celle de retarder la vraie transition, ce qui a pour effet d’aggraver les conséquences de la crise climatique.

Sauf qu’au-delà de ces manigances, la réalité demeure que tous les combustibles fossiles sont une menace pour notre santé, notre économie et notre environnement.

En pièces détachées

Sachant qu’elle ne peut gagner la bataille lorsque l’ensemble du cycle de vie de son produit est examiné, de l’extraction à la combustion, l’industrie gazière vend souvent son projet en pièces détachées : en nous vantant le bilan énergétique et environnemental de certains segments jugés moins controversés et en cachant les pires phases de son exploitation en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES).

Pas besoin d’aller bien loin pour trouver un exemple de ce « greenwashing » à grande échelle : un parfait cas d’espèce est le projet de GNL-Québec/Gazoduq, heureusement rejeté il y a quelques jours par le gouvernement Legault, qui a reconnu que le gaz entraînait un verrouillage carbone défavorable à la transition. Rien ne nous dit toutefois que ce sera la dernière fois que l’industrie tentera de nous faire avaler ses couleuvres.

Pendant des années, le promoteur a vendu son projet en petits morceaux, en vantant la soi-disant « carboneutralité » de son pipeline traversant l’Abitibi ou encore en accolant à son usine de liquéfaction au Saguenay le titre risible de « plus verte au monde » en produisant de l’énergie fossile à l’aide d’énergie renouvelable. On avait aussi, bien sûr, rafistolé une espèce de partenariat bidon avec un projet tout aussi moribond en Allemagne pour nous vendre le gaz fossile comme une énergie qui favoriserait la transition en Europe.

En gros, on avait coché toutes les cases dans le « guide du parfait petit vendeur de gaz ».

Évidemment, le promoteur avait complètement mis de côté le volet le plus polluant du projet : celui de l’extraction du gaz de fracturation dans l’Ouest canadien, qui empiète bien souvent sur le territoire de nations autochtones et qui se veut une importante source d’émissions de méthane, un GES 28 fois plus polluant que le CO2 sur un horizon de 100 ans et 84 fois plus sur un horizon de 20 ans !

Bref, remplacer des émissions de CO2 par des émissions de méthane, ce n’est pas un gain pour la planète ni le symbole d’une quelconque transition. Et dans le cas de GNL Québec, par chance, cette distorsion de la réalité n’a pas su venir à bout des témoignages d’experts et scientifiques qui ont exposé les faits au gouvernement.

Conscientisation mondiale

Partout dans le monde, comme ce fut le cas avec GNL Québec, les « peddlers » de gaz ont donc aussi décidé de faire de chaque projet un combat local, ressortant ad nauseam les arguments du développement économique régional en faisant miroiter des retombées souvent largement tributaires des subventions gouvernementales et ne tenant pas compte des coûts environnementaux et sociaux encore assumés par les contribuables lorsque le projet est terminé.

Les actions internationales de vendredi font toutefois état d’une solidarité et d’une conscientisation mondiale grandissante devant les manigances et les message clés remâchés de l’industrie fossile. De plus en plus de citoyen.ne.s reconnaissent les impacts environnementaux de l’ensemble de l’œuvre, de la production à la consommation, en passant par la distribution.

Il s’agit de l’expression d’un ras-le-bol généralisé face aux tergiversations des dirigeants qui contemplent encore trop souvent des projets qui menacent notre sécurité, notre santé et notre environnement alors que la crise climatique s’emballe.

Il ne devrait pas y avoir de débat, de « préjugé favorable » ou de grands questionnements quand il est question d’énergies fossiles. Le « non merci » devrait être catégorique.

Et beaucoup de citoyens savent fort bien que la chaleur extrême et la sécheresse des derniers mois témoignent d’un élément central à la lutte actuelle : cette crise ne sera pas confinée à des endroits précis. Personne n’est à l’abri.

Avec les élections à venir, tous les yeux seront rivés sur cette question cruciale : les partis s’engageront-ils à rejeter tout nouveau projet d’infrastructure fossile ? Car c’est la seule avenue.

* Cosignataires : Catherine Gauthier, directrice générale d’ENvironnement JEUnesse (ENJEU), Simon Guiroy, coordonnateur de la Coalition étudiante Arrêtons GNL ; Charles Bonhomme, spécialiste, communications et affaires publiques, Fondation David Suzuki ; Louise Gratton, présidente de Nature Québec ; Camille-Amélie Koziej Lévesque, co-porte-parole de Coalition Fjord ; François Gagné, co-porte-parole de Coalition anti-pipeline de Rouyn-Noranda ; John Nathaniel Gertler, militant avec la CEVES ; Rébecca Pétrin, directrice générale d’Eau Secours ; Jacques Rousseau, secrétaire général du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec ; Michel Côté, Mouvement écocitoyen UNE planète ; Christiane Bernier, porte-parole, Les enjeux de l’insecticide Bti sur la biodiversité ; Irène Dupuis, porte-parole, Lotbinière en transition ; Henri Jacob, président, Action boréale ; Joyce Renaud, présidente, Mobilisation climat Trois-Rivières ; Jean-François Boisvert, président, Coalition climat Montréal ; Lucie Bergeron, Transition Capitale-Nationale ; Alain Saladzius, président, Fondation Rivières ; Carole Dupuis, Front commun pour la transition énergétique

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