Glorieux phallocrates qui osent défendre la sélection de Logan Mailloux, salut ! Pour sa faute, le joueur doit être banni de tous les forums ; s’il l’on pouvait, il faudrait le dégorger de tout son talent. Pour notre faute, nous, Glorieux phallocrates qui banalisons l’inadmissible, soyons honnis. Ou pire encore.

On nous dira que ce n’est pas d’abord le joueur qui est la cible de la vague de réprobation, mais le club qui l’a repêché. C’est le club qui a décidé de lui donner une chance malgré les vœux mêmes du joueur, qui admettait ne pas encore la mériter. Et c’est cette organisation milliardaire qui est d’abord la cible de cette vague de réprobation et des vagues menaces d’annonceurs indisposés, pris entre l’arbre et l’écorce, entre ceux et celles qui dénoncent à grand torrent et les Glorieux phallocrates que nous sommes, presque tous silencieux, à la fois plus ou moins opportunistes (la Coupe à Montréal !) et plus ou moins miséricordieux. Personne n’est parfait.

Faisons une expérience de pensée : si Marc Bergevin avait repêché Logan Mailloux dans un an ou deux, la réaction aurait-elle été différente ? L’année ou deux supplémentaires auraient-elles satisfait ceux et celles qui, aujourd’hui, dénoncent le choix du Canadien ? Dans l’intervalle, le club et le joueur auraient-ils pu en faire assez ? Bien sûr, pendant qu’on y réfléchit, le joueur appartient déjà à une autre équipe. Mais ne nous détournons pas de la question : le club et le joueur auraient-ils pu en faire assez ? Et, le cas échéant, qu’est-ce qu’aurait été cet « assez » ?

Responsabilité

Dans cette controverse, le joueur n’y est pour rien (il ne pouvait pas se repêcher lui-même) tout en y étant pour tout. C’est lui qui excelle au hockey. C’est lui dont le geste à la fois odieusement narcissique et peut-être criminel est à l’origine de tout. Admettons que ce geste symbolise ce qu’il y a lieu d’appeler la culture du viol. Peut-on en dire autant de tout ce qui peut être suspecté de banaliser ledit geste : invoquer la présomption d’innocence ou des circonstances atténuantes, ne pas décrire le geste que tout le monde connaît, écrire que sur le continuum des violences sexuelles, il y a moins grave que ce geste, mais il y a plus grave aussi ?

Dans le même ordre d’idées, ce n’est pas parce que jusqu’à présent nous n’avons pas évoqué la personne de la victime que nous n’y pensons pas. Mais le fait est que le mal est fait et que, vu sa nature cybernétique, il continuera, hélas, probablement, de se faire. Et si, en l’occurrence, le mal n’a pas été assez chèrement payé (ce que nous-même nous croyons), qui, notamment parmi ceux et celles qui dénoncent, a l’autorité pour en rajouter ?

Certains verraient comme un signe élémentaire de décence, une preuve de progrès social, voire aussi une victoire dans la lutte contre les violences sexuelles le fait de faire plier l’organisation du Canadien et d’obtenir de la part du club qu’il abandonne ses droits sur Logan Mailloux.

Nous, Glorieux phallocrates, nous ne sommes pas si sûrs qu’il s’agirait du dénouement le plus sage, ni, bien entendu, sur le plan hockey, ni même sur le plan humain – d’ailleurs, ce n’est pas parce qu’on met ces deux plans côte à côte qu’on les met forcément sur le même plan.

Nous, Glorieux phallocrates, espérons que Logan Mailloux fasse aboutir son talent et devienne un joueur d’impact pour le Canadien de Montréal. Nous espérons que le Club saura donner au joueur les outils nécessaires pour qu’il continue son cheminement personnel, qu’il travaille à devenir une meilleure personne et qu’il se réhabilite aux yeux de tous par ses actions « en dehors de la patinoire » – bien sûr, ces mots sonneront toujours creux pour celui qui ne sait rien du cheminement ni des efforts consentis dans le travail sur soi. Dans notre for intérieur, nous espérons que le joueur entreprenne auprès de la victime, si cette dernière le souhaite et lorsque cette dernière le souhaitera, des démarches de justice réparatrice, à l’abri des regards partisans, peu importe le parti pris du regard.

Nous, Glorieux phallocrates, trouverions dommage que la pression populaire et la quasi-unanimité médiatique actuelle dans la dénonciation (aussi justifiée cette dénonciation soit-elle, entendu que la quasi-unanimité l’est moins) fassent en sorte que l’ensemble de nos espérances n’ait pas la moindre chance de se réaliser à Montréal.

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