Le 6 juin dernier, une promenade dans un parc à London, en Ontario, a fini dans un bain de sang, comme le 29 janvier 2017, une prière dans une mosquée à Québec avait fini aussi tragiquement.

Dans les deux cas, les tueurs ne connaissaient pas leurs victimes. Ils les ont choisies au hasard pour la simple raison qu’elles étaient musulmanes. Nier l’existence de l’islamophobie dans ces deux cas, et dans bien d’autres, même moins sanglants, serait comme se mettre la tête dans le sable.

Le 3 février 2017, lors de mon hommage aux victimes de la tuerie à la Grande Mosquée de Québec, j’ai lancé un cri du cœur pour que l’après-29 janvier 2017 soit différent de l’avant-29 janvier 2017. J’ai aussi fait appel à nos dirigeants et à toute notre société afin de prendre les mesures nécessaires pour que ces victimes soient les dernières victimes de la haine et de la propagande haineuse.

Malheureusement, il y a eu un autre meurtre à Toronto et quatre à London. À ces meurtres, il faut ajouter les attaques violentes contre les femmes racialisées portant le hijab, les rassemblements haineux devant les mosquées, le ciblage des Canadiens de confession musulmane et des organismes communautaires musulmans par des agences gouvernementales partout au Canada.

Il y a eu, à la suite de chacune de ces agressions, beaucoup de discours de sympathie et de solidarité. Le 23 mars 2017, la Chambre des communes a adopté la motion 103 qui condamnait l’islamophobie et « toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques ».

Elle demandait aussi qu’un comité entreprenne une étude sur la façon dont le gouvernement pourrait éliminer ce problème et recueillir des données sur les crimes haineux.

Le 28 janvier 2021, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de faire du 29 janvier la Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie, en l’honneur des victimes et en solidarité avec les survivants de cette tragédie. Ce sont des pas dans la bonne direction.

Malheureusement, on voit la condamnation et la commémoration, mais on ne voit pas l’action pour protéger la société de l’islamophobie. Il est temps d’agir.

Les victimes de Québec, de Toronto et de London ont été tuées parce qu’elles étaient musulmanes. L’islamophobie ne menace pas seulement les musulmans, mais toute la société.

Comme on répétait le slogan « La vie des Noirs compte » après le meurtre de Georges Floyd et le slogan « Tous les enfants comptent » après la découverte des restes des enfants des Premières Nations, il est temps de déclarer « La vie des musulmans compte ».

Les victimes des tueries de Québec et de London étaient des universitaires et des professionnels qui contribuaient très positivement à la société qu’ils avaient choisie et qui les avait accueillis. Après leurs familles, le plus grand perdant n’était pas leurs pays d’origine, mais plutôt cette société d’accueil qu’ils servaient avec dévouement et loyauté.

La lutte contre l’islamophobie est la responsabilité des trois ordres de gouvernement, des médias, des établissements scolaires, des institutions du secteur privé ainsi que la responsabilité de chacun de nous comme citoyen.

Voici quelques recommandations dont l’application pourra aider à protéger la société des dangers que représente l’islamophobie :

  1. adopter des lois et des règlements pour définir et interdire l’islamophobie comme toutes les autres formes de discrimination et de haine ;
  2. créer un commissariat au niveau fédéral et dans chaque province pour suivre le progrès de la lutte contre l’islamophobie et les autres formes de haine ;
  3. réglementer les réseaux sociaux pour arrêter la propagation de la culture de la haine ;
  4. mettre fin aux pratiques tacites de certaines agences gouvernementales de profilage et de ciblage des citoyens de confession musulmane et des organismes communautaires musulmans ;
  5. des individus et des groupes suprémacistes blancs semblent avoir réussi à infiltrer les rangs des forces armées et de certains corps policiers. Il est important que ces forces soient au service des citoyens et qu’elles veillent à la protection de tous les citoyens, sans discrimination ;
  6. notre ennemi est l’ignorance. Il est opportun de réviser nos programmes scolaires et universitaires pour montrer à nos étudiants que leur collègue musulman est un partenaire dans la société et non pas un ennemi ou une menace ;
  7. il est important de concevoir et d’implanter des programmes de sensibilisation dans les institutions (publiques, parapubliques et même privées) afin d’aider les gens à comprendre les enjeux et les conséquences des pratiques discriminatoires ;
  8. après tout et probablement avant tout, c’est la responsabilité de chacun de nous de faire partie de la solution et pas du problème. Nous devrons tous avoir l’obligation de ne pas accepter ou tolérer l’injustice, la discrimination ou la haine indépendamment de l’identité de l’auteur ou de la victime.
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