À ceux qui affirment que le film La parfaite victime ne représente pas la réalité vécue par les victimes d’agressions sexuelles dans le système de justice, NOUS, survivant(e)s d’agression sexuelle ayant eu affaire avec le système, avons un message à vous livrer :

Le film dépeint très exactement ce que nous avons vécu.

Même lorsqu’un procès se solde par une condamnation, l’expérience demeure pénible. Témoignage de Juliette Brault :

« L’avocat de la défense m’a traitée comme une ordure. Il a insulté mon intelligence, il m’a traitée de menteuse, de fille facile, d’enragée, il a osé prétendre que je suis en amour avec la personne qui m’a violée. En exerçant son métier comme il le fait, cet avocat crée des victimes collatérales en pensant qu’il “ne fait que son travail”. Pourquoi les agresseurs, les violeurs, les criminels reçoivent-ils un traitement plus humain que les victimes qui ont le courage de dénoncer ?

« Tout le travail accompli avec ma psychologue au cours des quatre dernières années a été défait par mes présences au palais de justice en présence de mon agresseur et de son avocat. Si je pouvais revenir en arrière, je ne porterais pas plainte, le processus est trop difficile et injuste envers les victimes. »

Lorsque les médias donnent la parole aux acteurs du système de justice sans entendre les survivants d’agression sexuelle, sans leur laisser de place pour s’exprimer, lorsqu’ils prêtent leur micro à des procureures qui clament haut et fort que les victimes sont bien accompagnées et que le film n’est pas réaliste, on voit bien que ce système est incapable de se remettre en question.

Ne parlez pas de nous, parlez AVEC NOUS. Ceci n’est pas une guerre de statistiques. Le chiffre qui devrait vous intéresser, c’est les 5 % de victimes d’agression sexuelle qui choisissent de porter plainte à la police, beaucoup plus révélateur que le nombre de condamnations.

Témoignage d’une maman d’une petite victime âgée de 8 ans :

« Ma fille a été victime d’agression sexuelle. Nous avons entamé le processus judiciaire à reculons. Rongée par la honte, envahie par des émotions qu’elle ne comprend pas, horrifiée par des images qui la torturent mentalement et par l’envie de mourir, ma fille doit témoigner et prouver qu’elle a vécu une agression sexuelle.

« Étant donné sa fragilité, la procureure décide qu’elle ne sera pas capable d’aller plus loin dans le processus.

« Celui qui a volé une partie de ma fille se fera annoncer que les charges tombent et qu’il peut continuer sa vie… et potentiellement agresser d’autres enfants. »

Témoignage d’Agnès :

« Les procureures [deux femmes] m’ont dit : “On a eu des dossiers plus solides que le tien qui n’ont pas mené à des condamnations, il y a peu de chances qu’on réussisse alors on ne portera pas d’accusation.” Ensuite, elles ont comparé les agressions que j’ai vécues à des moments où elles-mêmes ont eu des relations avec leur conjoint alors qu’elles n’en avaient pas envie. »

Nous faisons partie de la société qui a choisi de se doter d’un système de justice, il n’est pas normal que l’expérience que nous avons vécue ait été aussi traumatisante – sinon plus – que les agressions sexuelles elles-mêmes.

Nous avons la légitimité de réclamer un changement.

Personne ne remet en cause la présomption d’innocence ni la notion de doute raisonnable, principes fondamentaux de la justice. Nous demandons que les acteurs du système de justice qui agissent auprès des victimes d’agression soient formés et spécialisés afin de comprendre notre réalité bien différente de celle des victimes d’autres crimes.

Le système DOIT s’adapter.

Cosignataires : Juliette Brault ; Agnès Bouchard ; Anne-Marie Charrette, Les courageuses ; Guylaine Courcelles, Les courageuses ; Andréanne Goudreau-Ritter ; Jessica Isabelle ; David Leclerc ; Sophie Moreau ; Josefa Poblete Farias ; Sébastien Richard ; Martine Roy, Les courageuses ; Mary Sicari, Les courageuses ; Agnès Stuart ; Véronique Bigras ; Charlotte Phaneuf

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